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L’expérience du COC Amsterdam

mercredi 7 août 2002, par phil

Déroulement des interventions :

Les interventions sont prévues pour durer 2H, mais il arrive qu’elles ne durent que 50 minutes, cela dépend des écoles.

Deux animateurs, un homme et une femme homosexuels, sont mis en présence d’une classe de 20 à 30 élèves, en l’absence de professeurs ; parfois un troisième animateur ‘neutre’ est là pour servir de secrétaire lors du jeu des associations, et d’interviewer lors de la phase de récit personnel.

 Les animateurs se présentent brièvement. Ils lancent immédiatement les élèves dans :
 le Jeu des associations (3 minutes) : Il s’agit de poser deux questions aux élèves, qui doivent y répondre chacun sur un morceau de papier. Qu’associez-vous aux mots homosexuel et lesbienne ? Que pensez-vous que les autres associent à ces mots ? Les réponses données sont individuelles ou par groupe de 3 ou 4.

 Il est important que les élèves ne voient pas les réponses apportées à ces questions par les autres. Les réponses sont donc reportées par l’un des animateurs au dos d’un tableau, elles seront utilisées pour l’évaluation finale. Le but de ces deux questions est de voir la tolérance apparente et la l’intolérance latente vis à vis de l’homosexualité.
 Pendant ce temps, l’autre animateur commence l’information générale.

 Information générale sur l’homosexualité (10 à 15 minutes)

 Les animateurs informent les élèves sur plusieurs domaines de l’homosexualité.
 L’homosexualité est présente tout au long de l’histoire du pays et de l’humanité, en partie pour casser l’idée que c’est un phénomène de société qui n’aurait commencé que dans les années 60.
 Des exemples de personnages célèbres de l’antiquité grecque ou romaine sont cités.
 Il s’agit ensuite d’insister sur l’histoire des Pays-Bas depuis la fin du 19e siècle et plus particulièrement sur la période de la seconde guerre mondiale. Sont expliqués en particulier les points suivants :
 Le port du triangle rose par les homos ordonné par les nazis.
 Lors de la libération des camps les homos étaient vus comme des criminels et étaient libérés en dernier.

 L’indemnisation des homos victimes des camps n’a été décrétée qu’en 1997.

 Le C.O.C. a été créé en 1947 sous une appellation non explicite ‘centre culturel de récréation’, car une loi de 1911 protégeait les mineurs contre l’homosexualité (en particulier l’âge de consentement était différent).

 Les persécutions d’homos durèrent jusque dans les années 60.

 La loi de 1911 fut abolie en 1971, ce qui permit au C.O.C. de compléter son sigle par N.V.I.H. (Association Néerlandaise d’Acceptation de l’Homosexualité).

 Le travail du C.O.C. à Groningen et aux Pays-Bas depuis ce moment.

 En conclusion les animateurs insistent sur le fait que lorsque la situation économique est mauvaise, les homosexuels font partie des boucs émissaires (comme par exemples les homos et les sorcières brûlés au moyen âge).

 Les expériences personnelles (EP) (2X10 minutes) C’est une phase importante et délicate de l’intervention, qui consiste pour les intervenants à parler de leur vécu : des précautions sont ici indispensables :

 Les objectifs des EP (Les questions marquées avec * sont toujours abordées)

 Comment vous êtes-vous rendu compte de votre homosexualité ?
 Quel âge aviez-vous alors ?
 Quel regard avez-vous porté sur vous-même lors de cette découverte ?
 Comment cela a-t-il changé votre vie ?
 Quand et comment avez-vous informé vos parents à propos de votre homosexualité ?

 Comment ont-ils répondu et quelle importance ces réponses ont-elles pour vous ?
 Quand et comment avez-vous informé vos amis et vos relations de votre homosexualité ?
 Comment ont-ils répondu et quelle importance ces réponses ont-elles pour vous ?
 Que s’est-il passé entre le moment où vous avez découvert votre homosexualité et maintenant ?
 Qu’est-ce que cela signifie pour vous maintenant être homosexuel/lesbienne ?

 Afin de s’opposer à la fixation des stéréotypes, les récits d’EP sont flexibles, c’est à dire que les éducateurs doivent adapter leurs histoires personnelles. Par exemple, quand dans une classe d’élèves de 15 ans votre co-animateur annonce qu’il ou elle a découvert son homosexualité à 14 ans, vous devez adapter votre récit et dire que vous avez découvert votre homosexualité plus tardivement (ex. 17 ans). C’est l’éducateur qui décide ce qui doit être dit ou non à propos de sa vie.

 L’objectif de ces interventions n’est pas de se faire plaisir en racontant sa vie à des enfants qui nous sont inconnus, mais de donner une idée de ce que peut signifier être homosexuel.

 Précautions :

 Dans tous les cas, les précautions suivantes sont à prendre :

 Les EP ne doivent pas suggérer de comportements stéréotypés exemple : ‘à la maison, mon amie est l’homme’ ; cela renforce l’idée qu’il y a toujours un rôle d’homme et un de femme dans un couple gai ou lesbien ; ‘Je m’amuse à reconnaître les autres gays et lesbiennes lorsque je me promène dans la rue’, qui fait penser que l’homosexualité peut se reconnaître sur des caractères visuels ou physiques. ‘Je trouve que les hommes homosexuels sont souvent mieux habillés que les hétérosexuels’, car les homosexuels ne font pas a priori plus attention à leur aspect physique que les autres.

 Les EP ne doivent pas contenir trop d’expériences négatives, ni seulement des expériences positives.

 La durée maximum d’une EP est d’environ 10 minutes par personne.

 Il faut garder à l’esprit que l’EP peut bien se passer, mais que malgré tout l’auditoire est en quelque sorte obligé de l’écouter, surtout en milieu scolaire. Par-dessus tout, il faut s’assurer que le message est bien compris par l’auditoire. Il n’est ainsi pas important que les élèves se souviennent des prénoms de vos ami(e)s successifs(ves), ni même du vôtre. L’important est qu’ils réalisent que votre mode de relation n’est pas fondamentalement différent de celui des hétérosexuels.

 Il est préférable que durant l’intervention à la fois un gay et une lesbienne parlent de leur EP.

 Avantages :

 L’auditoire peut mieux apprécier un témoignage s’il peut le comparer. Les réponses faites aux questions posées dépendent moins de votre réponse ou de vos silences. Les thèmes sont plus sûrement abordés au cours de l’intervention.

 Inconvénients :

 Beaucoup d’informations en très peu de temps. L’auditoire est contraint à un rôle passif : pour cette raison, il est souhaitable que les EP soient suivies de questions, si possible pendant 40 minutes environ. Cela peut faire peur lorsque les questions prennent un tour ‘émotionnellement fermé’ ; Pour cette raison il faut toujours avoir à l’esprit que c’est vous qui décidez des sujets que vous souhaitez aborder ou pas. Recrutement, formation et constitution des équipes Les multiples contraintes évoquées précédemment imposent une rigueur dans le recrutement et la formation des intervenants.

 On n’est pas là pour raconter sa vie ! Le but est en effet plus élevé, c’est bien un but éducatif.

 Les candidats doivent accepter leur propre homosexualité et doivent avoir terminé leur coming-out. Ils doivent être capables de parler sans gêne de sexualité devant une classe. Ils doivent pouvoir s’adapter au groupe qu’ils ont en face d’eux.

 Précautions lors de la constitution de l’équipe : L’équipe doit comporter une variété de candidats, aussi bien ‘gris’ que ‘flamboyant’ ; une combinaison des deux est souhaitable.

 Les capacités spécifiques des éducateurs doivent être utilisées au mieux (par exemple si l’un est divorcé ou a des enfants).

 L’équipe doit être soudée, ce qui implique une confiance réciproque de tous ses membres, et une habitude de dialogue.

 Il faut que chacun soit capable de donner et recevoir des critiques si négatives que positives. Lors de l’intervention, il est important que les animateurs se connaissent bien, afin de prévoir ce que l’autre va dire : la classe ne doit pas sentir l’incertitude sinon le contact avec les élèves risque d’être perdu.

 Il ne faut pas se laisser entraîner hors de propos ni perdre le contrôle de soi-même. De manière générale, il ne faut pas permettre aux élèves de déséquilibrer les animateurs. Les intervenants doivent donc avant de prendre en charge un groupe assister au travail d’autres intervenants pour se familiariser et apprendre. Ils doivent aussi s’entraîner aux récits d’EP. L’ensemble du processus de formation dure un mois en groupe localement, puis trois fois dans l’année une formation nationale.

 Évaluation finale :

 Lorsqu’il n’y a plus de questions vient la phase finale d’évaluation par le groupe de l’intervention.

 Le tableau sur lequel sont inscrites les remarques issues du jeu des associations est alors retourné et montré à la salle. Avez-vous toujours la même opinion ? Avez-vous changé ? Y a-t-il beaucoup de personnes qui pensent de cette manière, ici ou ailleurs ? Y a-t-il beaucoup d’homosexuels dans l’école (jamais dans la classe) ?

 Finalement l’école doit changer de mentalité car s’il y a entre 5 et 10% d’homos dans l’école (comme partout) comment se fait-il qu’ils soient inconnus ?

 Comment peuvent-ils vivre dans l’école ? Il est ici très important d’empêcher que des élèves s’exposent, le numéro de téléphone et l’adresse du C.O.C. sont donc écrits au tableau durant toute la séance. Finalement demander au groupe ce qu’il pense du fait qu’on intervienne sur les homosexuels. Réponses courantes : « c’est bien », « c’est nécessaire ».

 Évaluation par les formateurs de l’impact de leur intervention Une fois la séance achevée, les formateurs essaient d’évaluer quels objectifs ont pu être atteints. Ces objectifs sont au nombre de cinq, gradués en importance croissante.

1) Prise de conscience des normes et des valeurs (préjugés) liés à l’homosexualité.

2) Le groupe s’est-il intéressé au sujet ? Les questions ont-elles été sérieuses ?

(Re)connaître : Les élèves ont-ils pris conscience qu’entre les homosexuels et les hétérosexuels il n’y a pas de différence visible ? (les homos sont souvent vécus comme une menace, d’où le désir de les catégoriser pour mieux les rendre visible) Les élèves ont-ils un regard critique sur eux même : ont-ils pris conscience de leurs propres préjugés dans leur fonctionnement dans la classe ? Les élèves conservent-ils une attitude critique quant aux préjugés lorsqu’ils sortent de la classe ? (Cet objectif n’est jamais atteint lors de l’intervention, il n’est pas évaluable).

 L’intervention est jugées satisfaisante lorsque les objectifs 3 ou 4 sont atteints.

 Expérimentation pour les très jeunes :

Dans une école pilote d’Amsterdam, le C.O.C. participe à un programme expérimental pour les très jeunes. Ce programme ne concerne pas spécifiquement l’homosexualité mais vise à sensibiliser en général les enfants sur les préjugés liés au genre, sur l’amitié et sur l’amour. Les parents sont complètement intégrés à tout le projet. Pour chaque niveau, les séances sont au nombre de cinq et durent deux heures.

 Pour les 4-7 ans :

 A l’aide d’une bande dessinée où les personnages n’ont pas de genre évident, les enfants commentent les activités de repassage, lessive, conduite de la voiture jardinage, cuisine... Ils les classent alors comme a priori masculine ou féminine. Cela provoque alors une discussion à partir de ces a priori avec l’unique volonté de les rendre conscients.
 Objectif : donner des informations sur les différences des sexes ; permettre aux enfants d’exprimer leurs émotions et leur différence ; faire prendre conscience que chaque groupe a ses boucs émissaires, et qu’il est donc important d’accepter les différences.

 Pour les 8-10 ans :

 Le programme vise ici à évoquer avec les enfants tous ce qui se passe lorsque deux personnes tombent amoureuses l’une de l’autre. Il est aussi question de l’amitié.
 Objectifs : approfondir la compréhension des relations sociales dans un groupe, de l’amitié et du sentiment amoureux ; permettre d’exprimer des émotions.

 Pour les 11-12 ans :

 Il est ici question des préférences sexuelles, et en particulier de l’homosexualité, du mariage, du concubinage, du célibat, du fait d’avoir des enfants ou pas.
 Les élèves vont aussi interviewer des personnes correspondant à différents modes de vie.
 Objectif : il existe différentes préférences sexuelles, différentes façons de vivre ; d’où s’ensuit un dialogue sur les conséquences que peuvent avoir les taquineries envers quelqu’un.

 Quelques difficultés rencontrées

 Le C.O.C. de Leeuwarden est indépendant de celui de Groningen. La région, à 60 km de Groningen, est plus rurale, la religion y est aussi peut-être plus pesante. Pour ces raisons et d’autres, le C.O.C., après avoir envoyé 160 lettres dans les écoles de leur district, les animateurs ne sont intervenus que dans 10 écoles dans l’année.

 Après enquête pour comprendre ce faible taux de réponses positives, il s’avère que la plupart des écoles estiment ne pas avoir besoin d’intervenants extérieur pour parler d’homosexualité, comme le leur impose la loi. Ils ont donc opté pour une autre stratégie. Ils ont imaginé et créé un outil destiné aux enseignants et aux élèves, un magazine devant servir de guide pour les enseignants

 Le magasine à destination des jeunes Voici résumé le magazine destiné aux élèves (et aux professeurs). Un sommaire ! Des titres de journaux, des photos de personnalités homosexuelles. Définition de l’homosexualité, citations personnelles sur le sujet, morceaux d’un journal intime Coming-out : comment se sentir mieux en 7 leçons. Différences entre campagne et ville, découverte du sentiment amoureux homosexuel à travers un journal intime. Point sur les religions (christianisme, islam, judaïsme), ce qu’elles disent à propos de l’homosexualité. Point sur le mariage, en particulier les discriminations lors du divorce des parents, lorsque l’un est homosexuel, pour la garde des enfants. Point bibliographique, vidéo, Internet, adresses, numéros de téléphones. Les quelques questions les plus posées lors des différents groupes éducation et les réponses officiellement apportées.

P.-S.
Expériences rattrapées par le CRSH Lille, 1999