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Parcours pour Briser les préjugés racistes à l’école

samedi 1er septembre 2001, par phil

 Pas la peine de se faire croire des trucs, on est ’tous racistes... Par exemple, moi, je n’aime pas les pak-pak [sous-entendu : les Pakistanais] parce qu’ils sentent le curry et ne se mélangent jamais aux autres. » Vive, passionnée, un brin agressive, Melissa défie du regard ses camarades. « Attention à bien faire la différence entre les pensées et les actes, recadre Jimmy. Dans vos têtes, vous pouvez penser ce que vous voulez, et évoluer progressivement. Mais le passage à l’acte, les agressions racistes, c’est bien autre chose ».

 En ce 9 mars, La classe de première expérimentale du Lycée professionnel Pierre Mendès-France à Ris-Orangis (Essonne) reçoit Jimmy et Fanny, animateurs volontaires de l’association Léo Lagrange dans le cadre du projet Démocratie & Courage ! Un programme d’éducation à la citoyenneté réalisé en France depuis le printemps 2002, mais né en 1999 en Allemagne.

 L’idée : accompagner l’engagement de jeunes volontaires, mener une action de prévention et d’éducation des plus jeunes à une citoyenneté active, et allier les deux. Les animations dispensées en classe ou en centres de vacances et de loisirs s’adressent aux jeunes de 13 à 17 ans. Ce sont les enseignants et directeurs de centre qui sollicitent les interventions, en cohérence avec leur programme pédagogique et en fonction du climat qui peut régner dans leur établissement.


 PRÉJUGES QUAND TU NOUS TIENS

Le programme Démocratie & Courage ! décline plusieurs thèmes. Le proviseur du Lycée Pierre Mendès-France a retenu l’intitulé "Préjugé, quand tu nous tiens !"(1> : « Lors du dernier conseil de classe, expose Georges Mesmin, les délégués de cette 1e" nous ont renvoyé le fait que les élèves avaient tendance à se regrouper par ethnies. Les enseignants ne t’avaient pas remarqué, mais nous avons eu envie défavoriser le dia¬logue au sein de la classe. » Pour commencer, Fanny et Jimmy rappelant quelques règles de communication : s’écouter, ne pas se couper la parole, ne pas s’insulter. Chacun se présente tour à tour. Puis, les activités débutent. Pas de cours magistral, mais une succession de jeux individuels et collectifs, de débats, de vidéos... La journée s’organise autour de six séquences, entrecoupées de pauses. Aucun enseignant n’assiste à l’animation. Premier temps fort, le « Cultionary », inspiré du célèbre Pictionary® : la classe s’organise en petits groupes, un « dessinateur » doit faire deviner aux autres un mot à l’aide d’une feuille et d’un crayon. Fée, arbre, bateau, mais aussi américain, chinois, africain, immigré, racisme. Les dessins sont affichés et commentés. Pour « Chinois », tous les dessinateurs ont eu le même réflexe stéréotypé des yeux bridés et du chapeau pointu. « Pour se protéger du soleil lorsqu’il plante du riz, commente doucement Fanny. Pourtant, vous en croisez beaucoup, vous, des asiatiques portant des chapeaux de paille ? »

 RACISME ET DISCRIMINATION : DU VÉCU POUR LES JEUNES

Les temps de débats donnent lieu aux échanges les plus intéressants. Lors d’un jeu de rôles sur le thème « Vous êtes témoin d’une scène de discrimination, comment réagissez-vous ? », les lycéens improvisent avec drôlerie et justesse des saynètes de racisme ordinaire. Puis, ils se racontent avec émotion : « Dans ma résidence, raconte Kevin. Il y a une seule autre famille antillaise. Quand je me promène avec mes cousins, on pense que je traîne pour voler quelque chose. Je suis obligé de prouver que j’habite là en montrant mes clés », « je n’arrête pas de me faire contrôler depuis que j’ai déménagé », s’indigne Elyane, « c’était il y a quelques années, se souvient Abdelraman. Je marchais tranquillement. Je croise une vieille dame, avec son chien. Il m’aboie dessus. Sa maîtresse se penche sur lui pour lui dire : "Tu ne devrais pas parler à ces gens-là, ils ne sont pas recommandables..." » 95% des élèves de la classe viennent de familles d’origine étrangère. Ceux qui le souhaitent ont présenté brièvement leur arbre généalogique : des parents ou grands-parents nés en Tunisie, en Algérie, au Togo, Zaïre, Mali, Laos, etc. La discrimination, ils l’ont souvent éprouvée. Elèves en lycée professionnel, ils connaissent déjà un peu le marché du travail puisqu’ils effectuent des stages en entreprises. Plusieurs d’entre eux racontent leurs difficultés à trouver un employeur : « On nous dit qu’on préfère un CV de Français ! », s’insurge Imen. Les animateurs expliquent aux jeunes les possibilités de se défen¬dre : le cadre juridique, le 114(2). « Encore faut-il croire en la justice, commente Abdelraman. Pour un même délit, si tu t’appelles Ali, tu prends huit ans. Mais si tu t’appelles Bernard, tu n’en prends que deux... »

Isabelle Guardiola


 (1) Les autres thèmes sont : « Contre le sexisme et l’homophobie, le respect, c’est mutuel ! », « Eduquer contre la violence » et « Analyse des médias contre les préjugés ». Cf. www.democra-tie-courage.com ou www.leolagrange.org Fédération nationale Léo-Lagrange -153, avenue Jean Lolive 93695 Pantin cedex - Tel. : 01 48 10 65 65
 (2) Numéro d’appel pour les victimes ou témoins de discriminations raciales. Ou sur Internet : www.lell4.com