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Discriminations homophobes & école

samedi 1er septembre 2001, par Lionel 3

Le propos est non pas de travailler sur une orientation sexuelle, l’homosexualité, mais sur une discrimina-ion, là où se jouent le rejet ou la stigmatisation des homosexuels, donc sur l’homophobie. Les supports utilisés en classe (manuels, albums, romans, documentaires...) trop normatifs, n’invitent pas à imaginer la diversité sexuelle et ne permettent pas d’envisager l’existence de situations homophobes. L’homophobie naît par défaut de paroles, de représentations, de compréhension de la diversité sexuelle. si on s’intéresse à la discrimination qu’elle engendre, on croise un travail l’éducation sexuelle avec un travail l’éducation à la citoyenneté.

 L’une des insultes les plus fréquentes des cours de récréation reste « sale pédé ! » et de la rue "enculé !". En maternelle, l’enfant en ignore souvent la signification, mais en fin d’école élémentaire, il en a une image très claire. Elle se réfère à une pratique sexuelle imaginée entre deux hommes, la sodomie, qui lui paraît sale et insupportable, et évince totalement la relation amoureuse. De plus, les enfants n’envisagent pas du tout la possibilité de rapport sexuel entre deux femmes. Cela signifie que, jeunes, ils ont déjà associé exclusive¬ment sexualité à pratiques sexuelles, avec la nécessaire présence active d’un pénis. Aussi, parce qu’un discours parental et scolaire sur la sexualité fait défaut. Et qu’il ne reste plus souvent à l’enfant que les représentations sexuelles télévisuelles.

 Un BO de février 2002 redéfinit les conditions de travail d’éducation à la sexualité et la nécessité de travailler sur les violences sexistes et les préjugés homophobes. Le propos est d’intervenir le plus tôt possible. L’homophobie renvoie à un dégoût des pratiques dites homo-sexuelles mais aussi l’homosexualité dérange parce qu’elle remet en cause les représentations du masculin et du féminin. L’enfant a besoin de ces représentations pour s’identifier pour le genre et pour la sexualité (ce qui est différent) mais si elles sont trop rigides et qu’il ne correspond pas aux normes, l’enfant va souffrir. Les professionnels de santé mentale tirent la sonnette d’alarme par rapport au suicide. Plusieurs études relatent qu’un sixième à un quart des jeunes faisant une tentative * de suicide le feraient pour des raisons d’homophobie. La prévention a deux enjeux : éduquer à la différence, signaler à tous que les propos et actes homophobes sont répréhensibles et permettre aux homo¬sexuels d’assumer leur orientation sexuelle puisque 6 à 9 % de la population serait homosexuelle.

 Le témoignage de nombreux homosexuels me fait dire qu’une partie le sait très tôt et s’y résigne, une autre partie "l’apprend" souvent avec effroi (par rapport à la conformité exigée par les pairs) à l’adolescence, quand la sexualité s’initie et enfin, une autre partie le découvre après un temps plus ou moins long de vécu hétérosexuel y compris après un mariage et des enfants. En tous cas, pour assumer pleinement son identité sexuelle, un homosexuel devra un jour ou l’autre résoudre la question de sa propre homophobie intériorisée.

 L’éducation à la sexualité se limite souvent à la reproduction humaine. Mais au-delà de cet aspect, il faut aussi évoquer la sexualité hors la reproduction et aborder les questions autour de la relation amoureuse. L’éducation à la citoyenneté se fait par une progression pédagogique sur les discriminations. Après avoir travaillé le racisme, le handicap et le sexisme, j’aborde la question de l’homophobie. Les enfants se constituent des référents complexes et accueillent les diversités. Je travaille aussi sur des ouvrages de littérature se qui mettent en scène des personnages homosexuels. L’essentiel du travail sur les discriminations est de développer le débat argumenté, et d’enrichir les représentations socioculturelles des enfants, gage de démocratie, s’il en faut !

Propos de Catherine Marjolet, enseignante & psychothérapeute, recueillis par Christelle Maus, pour Fenêtre sur cours, Université d’automne du Snuipp, novembre 2005