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De nouvelles familles, de nouvelles altérités

jeudi 30 août 2007, par Andy

La famille connaît de profonds changements. D’institution, elle est devenue affaire individuelle où le libre choix est la règle. Elle n’en occupe pas moins une place privilégiée dans la société. La notion de famille est devenue une marque d’altérité.

A ce titre, nous présentons quelques extraits du dossier réalisé par Christiane Barbault, paru dans VALEURS MUTUALISTES N°239 SEPT/OCTOBRE 2005

LA FAMILLE EN MOUVEMENT

Pierre et Jonathan avaient quatre et six ans lors du divorce de leurs parents. Les deux garçons ont vécu quatre ans avec leur mère, puis avec le compagnon de cette dernière, lui-même père de jumelles dont il a la résidence alternée. A l’image de nombre de leurs contemporains, Pierre et Jonathan ont grandi successivement au sein d’un foyer conjugal traditionnel, puis monoparental et enfin recomposé. Si le modèle du couple marié vivant avec les enfants issus de cette union reste dominant en France, les autres formes gagnent du terrain. Le mariage ne cesse de reculer au profit de la cohabitation. Le divorce se banalise au point de concerner aujourd’hui plus d’un couple sur trois. « Les progrès de La démocratie, l’égalité des sexes, la maîtrise de la contraception et le divorce par consentement mutuel ont aboli les contraintes et permis la liberté de choix.
 Le mariage est devenu un contrat et l’institution a fait place à la quête de l’épanouissement personnel », explique Serge Hefez, psychiatre et auteur de Quand la famille s’emmêle(1}. De ruptures en reconstructions, les parcours de vie se diversifient et la parentalité se décline en variantes parfois complexes, voire inédites.

LA NORME BIOLOGIQUE SERAIT-ELLE DÉPASSÉE ?

 Dans une structure recomposée, un enfant côtoie quotidiennement le nouvel allié de son père ou de sa mère et éventuellement la progéniture de celui-ci. Des liens affectifs et des responsabilités éducatives peuvent naître de cette vie commune, au-delà de l’ordre biologique. Le nombre croissant d’adoptions et de recours à la procréation médicale assistée (11 000 par an, 15% des couples étant infertiles) met en évidence la dissociation des fonctions de géniteur et de parent.

 C’est pourtant le primat du biologique qui est opposé aux partenaires de même sexe désireux d’élever des enfants. « On fait comme si la filiation ne pouvait être que naturelle et fondée sur la présence d’un père et d’une mère, alors que cela ne correspond plus à une réalité. Ce sont des normes politiques, sociales et historiques, donc susceptibles de changer. Il s’agit de savoir si nous vivons dans une société où elles sont établies une fois pour toutes ou dans une démocratie capable de les adapter », affirme Eric Fassin, sociologue et enseignant à l’École normale supérieure12’. Si les familles homoparentales existent de fait (plus de 10 000 selon l’Association des parents et futurs parents gays et lesbiens), leur droit à l’adoption et à la procréation médicalisée suscite encore des polémiques particulièrement vives. « Il y a contra¬diction entre la reconnaissance de l’homosexualité et le fait d’en bloquer les conséquences juridiques et sociales », note Gabriel Langouët, directeur de l’Observatoire de l’enfance et chercheur au Centre d’études et de recherches sur les liens sociaux.

UNE LIBÉRALISATION EN DEMI-TEINTE

 Y a-t-il une famille idéale ? « C’est un mythe créé au XIXe siècle et entretenu par une imagination nostalgique », assure André Burguière, historien, directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS). Entité de plus en plus mou¬vante, la famille moderne échappe à toute définition univoque. Le mode de vie familial « à la carte », selon l’expression de Serge Hefez, se caractérise par son instabilité. Pour garantir la continuité des relations entre parents et enfants malgré la précarité du couple, le principe de coparentalité a été renforcé en mars 2002. Reste qu’une séparation entraîne dans 32% des cas l’éloignement du père et des charges plus lourdes pour la mère. - Certes, les mutations familiales vont de pair avec les avancées sociales et surtout les acquis féminins : devenues autonomes financièrement et juridiquement, les femmes ne sont plus stigmatisées lorsqu’elles aspirent à la réalisation professionnelle et sentimentale. Mais cette libéralisation, dont les effets ne sont pas toujours maîtrisés, a son revers : seul un tiers des mères réussit à se remettre en couple et le statut de chef de famille monoparentale rime fréquemment avec paupérisation.

LA FAMILLE COMME VALEUR REFUGE

La plupart des experts se garde de tout pessimisme devant l’éclatement de l’institution. Le déclin du mariage et la fragilité des unions ne signifient pas la disparition de la famille. « Elle fait plus que résister, elle s’adapte et ne s’affirme que davantage, sous des formes plus riches et plus complexes. Elle est devenue une valeur refuge et un cadre de solidarité », assure Laurent Toulemon, chercheur à l’Institut national d’études démographiques (Ined). Une étude menée par l’Insee(4) en 2003 et une enquête sur les valeurs des Français’51 aboutissent à la même conclusion : la famille est au sommet de la hiérarchie, devant la réussite professionnelle et la santé. La vie en couple, dans ses versions assouplies, demeure centrale. La place de l’enfant aussi. En France, le taux de fécondité est stable depuis 30 ans. Une femme sur 10 reste sans descendance, contre 1 sur 4 vers 1930. Pour André Burguière, « la famille subit des transformations comme elle en a connu beaucoup par le passé. C’est une illustration de plus de sa plasticité ».

DÉCRYPTER ET RESPECTER LES MUTATIONS

 Face à l’évolution des mentalités et aux nouvelles attentes de ses adhérents, l’Union nationale des associations familiales (Unaf) lance l’université des familles.
 La première session du 19 octobre 2005 traitera de la question du logement. Chaque mois, seront abordés des thèmes allant de la crise des valeurs aux perspectives du couple, en passant par les questions d’autorité et de morale.
 site Internet : www.unaf.fr Conseil national des associations familiales laïques (Cnafal)
www.cnafal.com