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Adolescence et homosexualité : souffrance, tabou social et inertie éducative

jeudi 29 août 2002, par Andy

L’adolescence est une période difficile par nature. L’homophobie et l’absence de traitement de la condition homosexuelle durant la scolarité sont des facteurs de risque accru de suicide chez l’adolescent gay.


 Le suicide est la seconde cause de décès chez les jeunes de 15 à 24 ans et la première cause pour les 25 - 34 ans. De plus, et selon les études, le taux de suicide (et de tentative) chez les adolescents homosexuels ou bisexuels est entre 6 et 14 fois supérieure à celle de la population hétérosexuelle d’une même classe d’âge. Les raisons principales de ce douloureux constat sont diverses. D’une part, un contexte socio-culturel discriminant, une imagerie péjorative de l’homosexualité, propos et actes homophobes. Autant de causes de mal-être et de souffrance des jeunes gays et lesbiennes. D’autre part, l’absence de traitement de la question homosexuelle durant la scolarité, l’hétérocentrisme, le défaut de visibilité d’une communauté adolescente gay et le déni même de son existence n’assurent pas un environnement propre à prévenir suicides, dépressions, comportements à risques, agressions et propos homophobes.

 Il ne faut pas confondre homosexualité, pratique homosexuelle et désir homosexuel. A l’adolescence la transformation pubertaire et la recherche identitaire brouillent les genres. De nombreux jeunes découvrent en même temps que leur corps celui de leurs congénères, la fameuse séance de douche post EPS, et leur sexualité. Les phénomènes de groupe et de " bande " conduisent dans ce contexte à des désirs homosexuels voire des pratiques homosexuelles sans pour autant que l’adolescent soit gay par nature.

 Par définition l’adolescence est une période difficile. Elle se traduit par une recherche et une quête identitaire ou l’adulte en devenir cherche autant une identité propre, à s’affirmer individuellement, que désire s’inscrire dans la communauté et appartenir à un groupe, à s’identifier collectivement.

 Dans ce schéma, le jeune gay ou la jeune lesbienne, subit cette période avec d’autant plus de difficulté que son homosexualité est une cause supplémentaire d’isolement et de sentiment de rejet. Les études nord américaines ont montré que le premier sentiment d’être Gay intervient souvent dès la pré adolescence et environ 6% des jeunes entre 15 et 18 ans se déclarent attirés par le même sexe à l’exclusion ou non d’une attirance pour le sexe opposé.

 Pour autant, la condition de l’adolescent homosexuel reste l’un des derniers tabous de notre société au prix d’un taux de suicide fortement plus élevé, et a fortiori de tentative et de dépression, que celui de la communauté hétérosexuelle. Ces même études ont démontré que ce fort taux n’est pas dû à l’homosexualité proprement dite de l’adolescent gay mais à l’environnement socio-culturel de celui-ci qui le pousse à cette extrémité. En l’absence d’étude française, voire européenne, nous ne disposons pas de statistiques pour notre pays. Craignons qu’elles soient proches.

 Pour autant et sans trop s’avancer, nous pouvons faire le constat simple qu’une minorité de jeunes gays et lesbiennes s’assument, se revendiquent et vivent librement leur homosexualité au risque de faire l’objet d’un rejet de leurs camarades, de propos ou actes homophobes ou de se couper de leur milieu familial.

 La grande majorité préfère se cacher et adopter une " stratégie de survie " dans un environnement qui ne les reconnaît pas. L’hétérocentrisme flagrant de la population en général, et de la population adolescente, en particulier, amène les jeunes gays à adopter les codes de genre de leurs camarades hétérosexuels qui tiennent des propos ou commettent même des agressions homophobes. De victime, certains préfèrent la condition de bourreau. A quel prix ? Celui de la négation de soi, d’une distorsion entre son identité propre et une identité exprimée, causes de mal être.

 Pour les autres, ils sont l’objet de moqueries ou d’un rejet de leurs camarades sur de simples constations de différenciation (look, , comportement dit " efféminé " pour les jeunes gays et de " garçon manqué " pour les jeunes lesbiennes.) bien que pour beaucoup il ne s’agisse que de brimades sans incidences.

 Les adolescents, pas plus que les adultes, ne mesurent les conséquences néfastes de telles attitudes sur des individus fragilisés ou marginalisés. Les jeunes hétérosexuels ne prennent pas la défense de leurs camarades faisant l’objet de telles brimades de peur d’être catalogués eux mêmes Gays et de faire l’objet à leur tour d’une exclusion du groupe. Les intéressés, à défaut d’interlocuteurs à même de les écouter, n’osent pas se plaindre d’un tel traitement de peur de se dévoiler.

 Ce tableau vous paraît bien noir ? Pourtant, c’est celui auquel est confrontée quotidiennement et de manière solitaire la majorité des adolescents homosexuels et qui les conduit jusqu’au suicide. Néanmoins, des comportements prédéterminants et des signes permettent de détecter et de prévenir les troubles de l’adolescent gay : échec scolaire, forte consommation d’alcool ou de tabac, prise de drogues ou de médicaments, crises maniaco-dépressives. Mais n’est-ce pas déjà faire le constat de l’échec de notre société à assurer un traitement raisonné de l’homosexualité des adolescents comme fait social ?

 Aussi, la cause de la souffrance des adolescents gays, soit l’environnement socio-culturel dans lequel ils évoluent, peu devenir l’élément même de leur épanouissement et de l’admission de leur homosexualité. Il est désormais temps que le système scolaire, lieu de vie et d’apprentissage de la jeunesse par excellence, ouvre les yeux. 80% de taux de réussite au Bac. A la bonne heure ! Quand un pourcentage significatif de la population adolescente est en état de souffrance il importe d’avantage de les assister et les aider que d’en faire des bacheliers dépressifs ou suicidaires. N’est ce pas le rôle même de l’enseignement laïc et républicain que de former des êtres autonomes et accomplis ? L’accès à la citoyenneté, vœu pieu de l’enseignement, et l’éducation de nos adultes en devenir pourraient s’enorgueillir d’un traitement de la condition homosexuelle propre à garantir nos libertés publiques et soucieux du respect des libertés individuelles de chacun.

 A notre époque, l’homosexualité est le dernier sujet tabou à l’école. L’éducation sexuelle n’est envisagée que sous l’angle reproductif, j’oserais dire technique ou de sa maîtrise, la contraception. Ou alors, la sexualité est abordée sous un angle négatif, celui des MST. De plus, et en l’absence d’un traitement médiatique, culturel, littéraire voire même musical de l’homosexualité durant l’adolescence, les jeunes gays et lesbiennes ne trouvent aucun élément commun d’identification nécessaire à leur sentiment d’appartenance à un groupe ou même propre à leur montrer qu’ils ne sont pas seuls, brisant ainsi le sentiment de solitude qui les animent. L’imagerie traditionnelle adolescente (feuilletons, émission real TV, BD, films d’action.) ne montre qu’une image unique et stéréotypée, celle d’une adolescence exclusivement hétérosexuelle, même virilisante et machiste. Doit-on attendre l’arrivée annoncée de gays ou lesbiennes dans le second Loft Story pour montrer à notre jeune population que l’on peut être un jeune pédé ou une jeune goudoue et être bien dans ses baskets ?

 Il appartient à l’éducation nationale d’entretenir une image réelle de l’homosexualité, non prosélyte, en traitant objectivement le fait homosexuel et en l’insérant dans les programmes (cours d’éducation aux sexualités, approche historique de la question gay, approche de l’homosexualité sous l’angle des libertés publiques au même titre que le racisme, la xénophobie.) et en sanctionnant les propos et actes homophobes au sein des établissements.

 Pour autant, l’éducation nationale devra, outre une formation et une sensibilisation de son personnel à ces questions, vaincre ses propres réticences quand on sait que beaucoup d’enseignants gays se cachent de peur de perdre leur crédibilité, et au-delà leur autorité, face aux élèves ou d’être invectivés par les parents d’élève ou l’administration.

 L’assistance individuelle de l’adolescent homosexuel doit aussi être renforcée. Quand celui-ci a peur de se confier à ses parents ou un camarade il doit pouvoir trouver un endroit propre à le sécuriser et à l’écouter. La prise en charge individuelle de la détresse d’un jeune gay est une priorité absolue mais le manque de moyen du personnel social au sein des établissements scolaire est criant. Psychologues scolaires, assistantes sociales, infirmières scolaires font défaut. Pourtant ils sont souvent les premiers témoins de confidences et les plus à même à détecter un malaise latent qui peut dégénérer en drame suicidaire.

 Enfin, il est regrettable de constater qu’un écart s’opère entre la condition des jeunes gays et lesbiennes et celle de leurs aînés. Ces derniers ont su s’organiser, se réunir, se rassembler pour faire avancer leur condition alors que les plus jeunes d’entre eux voient encore leur existence niée et leur condition laissée à l’abandon. La société n’a t-elle pas pour devoir de reconnaître et de porter assistance à une partie de sa jeunesse ? A défaut c’est son avenir même qu’elle compromet.

03/04/2002 G.L.

 Homosexualité et adolescence Durant ton adolescence, la perception de ton homosexualité... 2993 votes

 t’a amené à tenter de te suicider 176 5.9%
 t’a amené à envisager le suicide 368 12.3%
 a été une cause de souffrance 1597 53.4%
 t’a permis de t’épanouir 360 12.0%
 a été indifférente 306 10.2%
 t’était inconnue ou NSPP 186 6.2%

 Durant ta scolarité, tu as... choix multiple possible - 2993 votes

 entendu des propos homophobes de camarade(s) 2615 87.4%
 entendu des propos homophobes d’enseignants 479 16.0%
 subit des propos homophobes 1138 38.0%
 subit une agression physique homophobe 256 8.6%
 assisté ou subit aucun de ces actes 429 14.3%

 Cela aurait été plus facile à assumer... choix multiple possible - 2993 votes

 si tu avais pu en parler avec un parent 1614 53.9%
 si tu avais pu en parler à un camarade 1308 43.7%
 si tu avais pu en parler avec un adulte neutre 901 30.1%
 si tu avais eu un(e) ami(e) homosexuel(le) 1886 63.0%
 aucun de ces cas ou je ne sais pas 408 13.6%

 Pour toi, à l’école, il est nécessaire... choix multiple possible - 2993 votes

 que les enseignant(e)s aient une formation adaptée 2132 71.2%
 que les élèves soient sensibilisés 2073 69.3%
 que propos et actes homophobes soient sanctionnés 1988 66.4%
 de ne rien faire de plus 112 3.7%
 je ne sais pas 136 4.5%

 On doit parler de l’homosexualité à l’école... choix multiple possible - 2993 votes

 à l’école primaire 1344 44.9%
 au collège 2318 77.4%
 au lycée 2224 74.3%
 en aucun cas 74 2.5%
 je ne sais pas 113 3.8%

 Source : Citégay, avril 2002 d’après les données recueillies sur le site http://www.michelthome.com/fagl/articles.htm
 Tous droits réservés aux auteurs de l’article, FAGL 2002