Accueil > AMPHI ALTER > Quelles sont les évolutions dans les choix de métier des filles (...)

Quelles sont les évolutions dans les choix de métier des filles ?

samedi 29 août 2009, par Lionel 3

En étudiant les parcours de femmes qui exercent un métier d’homme, Catherine Marry, directrice de recherche au CNRS, explore les résistances à l’œuvre. Quelles sont les évolutions dans les choix de métier des filles ? Elles sont minimes. Depuis une vingtaine d’années, la féminisation de certains métiers, notamment à faible qualification, a stagné, voire régressé. Certes, grâce à leurs succès scolaires, les femmes sont mieux re-présentées dans les professions qualifiées : au début des années 80,1 femme sur 4 occu¬pait une profession intellectuelle supérieure, elles sont près de 40 % à la fin des années 2000. Mais cette progression s’est faite dans le respect des domaines traditionnels dévolus aux femmes : plus souvent infirmières que techniciennes de l’industrie, enseignantes qu’ingénieurs, avocates de la famille que de la fiscalité. Et partout, elles sont limitées dans l’accès aux positions les plus prestigieuses et les mieux rémunérées. Quelles sont les résistances ? Pour certains psychologues et sociologues de l’éducation, l’inertie de la division sexuée des métiers et de l’orientation scolaire est liée aux coûts de la transgression. Choisir une formation conduisant à un métier connoté comme du sexe opposé serait coûteux, en termes d’insertion et de carrière et surtout en termes d’intégration dans le milieu d’études et de travail, surtout pour les filles. Ce coût est particulièrement évité au moment de l’adolescence, période de fragilité dans la construction identitaire : garçons et filles ten¬dent à se conformer aux attentes de genre pour être reconnus par leurs pairs et plaire à l’autre sexe. Ce besoin de reconnaissance fournit en effet les bases de l’estime de soi. Quel est le coût de la transgression une fois dans la vie professionnelle ? Dans ma recherche sur les femmes techni¬ciennes et ingénieures, je me suis rendue compte qu’au-delà des discours euphémisant les difficultés, les parcours sont marqués par la lutte quotidienne pour faire face aux diffi¬cultés du conflit travail/famille, pour sur¬monter le soupçon d’indisponibilité voire d’incompétence... Les femmes qui s’orien¬tent vers un métier « plus conventionnel » font, pour la plupart, un choix raisonnable et raisonné, en refusant de se heurter à ces dif-ficultés. Pourtant vous décrivez des « ingrédients facilitateurs ». Le premier d’entre eux est l’évolution des lois sur la mixité des écoles et formations professionnelles. Les mouvements fémi¬nistes ont joué un grand rôle, et on rencontre aujourd’hui des parents « égalitaires », des familles qui « poussent vers les sciences », des compagnons solidaires. On trouve aussi fréquemment le cas « du garçon manquant » ce qui permet à la fille d’hériter de la situa¬tion du père. Et il ne faut pas oublier cer-taines histoires familiales avec des lignées de « femmes fortes ».


Dernière parution : Lôwy Ilana. Marry Catherine (2007). Pour en finir avec la domination masculine, Les Empêcheurs de penser en rond ’Seuil, 340 p.