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S’accepter comme gai ou lesbienne : lutter contre la honte

mercredi 13 septembre 2000, par phil

L’être humain est vulnérable à la honte. Chaque personne a déjà éprouvé des sentiments de honte plus ou moins intenses. C’est normal. Il arrive que la honte soit appropriée et nécessaire, alors que parfois elle peut être accablante. Avoir honte, c’est éprouver le sentiment douloureux d’être diminué.


 LA THÉORIE DE LA HONTE SELON TOMKINS

 L’être humain est vulnérable à la honte. Chaque personne a déjà éprouvé des sentiments de honte plus ou moins intenses. C’est normal. Il arrive que la honte soit appropriée et nécessaire, alors que parfois elle peut être accablante. Avoir honte, c’est éprouver le sentiment douloureux d’être diminué. Lorsque nous avons honte, nos yeux se tournent vers l’intérieur et nous nous sentons subitement transpercés par le miroir grossissant de notre conscience et du regard des autres. L’impression de mise à nu est la principale caractéristique de la honte ; elle peut provenir des attitudes des autres ou de soi-même. Nous avons honte lorsque nous nous sentons subitement découverts devant un public quelconque, que nous sommes objet de critiques devant d’autres personnes, que nous ne sommes pas à la hauteur des attentes qui semblent légitimes. Nous nous sentons pris au piège. Nous croyons que notre condition attire immédiatement l’attention sur notre visage, notre corps, nos gestes, nos actes, nous exposant davantage, et sans défense, à la vue des autres. Voilà pourquoi nous devenons immédiatement conscients de notre apparence et de notre contenance lorsque nous avons honte. Nous nous sentons subitement livrés aux regards des autres, lorsque nous désirons nous en soustraire.

 Les trois réactions associées le plus souvent à la honte sont la peur, la détresse et la rage. La peur, qui se traduit fréquemment par l’anxiété, se manifeste dès que l’on appréhende la honte. La personne qui a eu honte craindra des situations similaires à celle où elle a connu ce sentiment. La détresse, quant à elle, peut se manifester par des pleurs. Les enfants et les adultes honteux réagissent souvent en commençant à pleurer : la simple intensité de la honte peut déclencher des larmes. Dans ce cas, l’entourage est généralement attentif aux pleurs et y réagit, mais la honte sous-jacente à ces pleurs peut demeurer inconnue ou méconnue. Lorsque la honte atteint son plus haut niveau, elle peut provoquer la colère ; ce sentiment a une fonction vitale d’autoprotection. À certains moments, la colère isole la personne qui éprouve ce sentiment, elle recouvre son moi mis à nu. La personne en colère refuse de communiquer, parce que son sentiment la porte à se replier sur elle-même et l’éloigne des autres. Par ailleurs, à d’autres moments, la personne enragée par la honte peut provoquer ou désirer une rencontre avec la source de son humiliation, sans autre motif que de se venger.

 Enfin, la honte alimente la haine de soi et des autres. Elle se nourrit de stigmates et de tabous. Toute personne dénigrée ou humiliée en public est immédiatement stigmatisée. De plus, les gens ne souhaitent pas être associés à la personne humiliée. Pour éliminer le tabou relié à l’homosexualité, nous devons examiner les sources spécifiques de la honte chez les gais et lesbiennes.


 LES SCENARIOS DE BILL RYAN

 1er scénario

Tu es dans la cour de l’école pendant la récréation, tu as environ neuf ans. Tu vois un groupe d’enfants qui joue et tu te diriges vers eux. Avant de les rejoindre, tu éprouves des sentiments confus d’espoir et de crainte ; l’un de ces jeunes se moque de toi. Tu hésites un moment, partagé entre le désir de t’avancer et de te retirer. Finalement, ils décident de te laisser jouer. Par la suite, tu fais une gaffe et des camarades te crient : « Tapette ! ». Comme tu ne sais pas ce que cela signifie, tu baisses les yeux, et tu te sens méprisé. Toutes les personnes qui t’entourent commencent à rire de toi.

 2e scénario

Tu es maintenant plus âgé ; tu as treize ans, et tu es presque un-e adolescent-e. Tout en toi change : ton visage, ton corps et même tes sentiments. Tu te sens différent-e de toutes les personnes que tu connais. Tu ne sembles pas intégré à ton milieu. L’as-tu déjà été ? Même la façon dont tu regardes les gens a changé. Tu te rends compte que tu fixes une personne qui te plaît, jusqu’à ce qu’elle s’en aperçoive soudainement. Alors, tu détournes ton regard, gêné d’avoir été surpris-e. Les autres jeunes ne semblent pas fixer les garçons/filles de la même façon que toi. Tu te sens très différent-e des autres. Quelque chose ne va pas ; tu ne veux pas qu’on le sache, mieux vaut te cacher. Pendant un cours de science, lorsque les élèves se sont rassemblés autour de la grande table, tu t’es collé-e contre cet-te autre étudiant-e qui t’attire tant. Mais quelqu’un s’en est aperçu et en a parlé. Par la suite, tu as dû affronter des sarcasmes : « Tu es un fif/une lesbienne ! Regardez la tapette/la femme aux femmes ». Tous les regards se sont soudainement portés sur toi ; tu aurais voulu rentrer sous terre et disparaître. Le monde tournait. Tu voulais te tirer de là, t’enfuir, te cacher, mais tu ne pouvais aller nulle part ; tu te sentais piégé.

 3e scénario

Tu as maintenant quinze ans, et tu as trouvé un-e ami-e intime. Vous allez partout ensemble, vous partagez tout. Tu lui fais part de tes plus grands secrets, et tu te sens plus près de cette personne, à cause de cela. Vous aimez vous toucher et même vous étreindre à l’occasion - lorsque personne ne vous regarde. Tu te sens remué à l’intérieur, tu éprouves une sensation que tu ne comprends pas très bien, ou que tu ne veux pas comprendre. Un jour, vous vous promenez dans la rue, proches, l’un-e de l’autre, sans vous soucier des passants, lorsque tout à coup un groupe de jeunes surgit et commence à crier : « Regardez les homos/les lesbis ! Ce sont des malades ». Tu baisses la tête, accélère le pas. Ni ton ami-e ni toi ne parlez de cet incident. Mais il/elle devient plus occupé, a moins de temps à passer avec toi, t’évite presque. Quelque chose ne va plus, tu ne te sens pas bien, mais ni toi ni lui/elle ne pouvez en parler. Progressivement, un profond silence s’installe. Pour ne plus avoir le sentiment d’être rejeté-e, tu commences à cacher tes émotions même à toi-même.

source : http://www.alterheros.com/francais/dossier/Articles.cfm?InfoID=222