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Quand la littérature enfantine tend le balai aux filles

dimanche 29 mars 2009, par phil

La démographie intègre de plus en plus la dimension « genre », qui peut contribuer utilement à l’analyse de thèmes tels que la nuptialité et les relations de couple, ou les décisions en matière de fécondité et de contraception.
Mais comment les rôles sexués se construisent-ils ? Carole BRUGEILLES, Isabelle CROMER et Sylvie CROMER ont étudié un des instruments possibles de cette construction : les albums illustrés pour enfants. Les personnages qui les peuplent sont principalement des enfants – garçons et filles – et des parents – pères et mères – que l’on voit dans leurs activités quotidiennes, avec des attributs et des qualités éventuellement bien différenciés selon le sexe. Même les animaux, réels ou imaginaires, humanisés ou non, ont souvent un sexe… Enfin, les auteurs des albums sont, eux aussi, des hommes et des femmes, ce qui peut influencer le choix des personnages et de leurs caractéristiques.
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Les albums illustrés bombardent les enfants de stéréotypes. En France, 60% des pédiatres sont des femmes. Pourtant, sur 21 livres d’enfants présentant des médecins, 20 ne montrent que des hommes. 75% des mères travaillent, mais, dans ces mêmes livres, leur activité professionnelle n’est évoquée que dans 5% des cas. Voilà quelques chiffres de l’enquête réalisée par l’association Du côté des filles. Pour s’assurer que le sexisme dans la littérature enfantine n’était pas une vue de leur esprit féministe, AdelaTurin et Sylvie Cromer ont passé au crible 537 albums illustrés édités en 1994 par 46 éditeurs différents. Le résultat est sans appel : les personnages masculins dominent en raflant plus des trois quarts des titres. Les personnages féminins sont toujours accompagnés d’enfants ou de symboles ménagers. 28,5% seulement des hommes sont papas. Et c’est un beau rôle : intelligents, ils instruisent leurs enfants. Pendant ce temps, maman marne. Disponible, elle est à la maison, occupée aux soins des enfants et au ménage. La deuxième partie de l’étude prouve que les enfants intériorisent ce qu’ils lisent. Du côté des filles leur a soumis des images d’ours dans différentes situations. Pour eux, l’ours affalé dans un fauteuil ou assis sur une chaise en train de lire un journal est un papa. « On a beau lui mettre un bébé sur les genoux ou un collier de perles autour du cou, certains enfants n’en démordent pas ! », remarque AdelaTurin. En revanche, l’ours portant un tablier simple, sans fanfreluches, même affublé de traits masculins, est forcément une maman. Autre symbole : l’attachécase. Au bras d’un homme, c’est celui d’un homme d’affaires ou d’un PDG. Lorsqu’une femme le porte, elle est institutrice ou secrétaire. Si elle est accompagnée de ses enfants, le cartable devient sac à main ou cabas. Que font l’homme et la femme après avoir posé leur attaché-case ? « Lui, il regarde la télé. Elle fait le ménage. Parce que les femmes ont horreur de rentrer dans une maison sale », dit Emilie. « Et si la maman est fatiguée ? », tente l’enquêtri-ce. « Il faut bien qu’elle fasse la cuisine ; sans ça, elle, son mari et ses enfants resteraient sans manger », objecte Marisa.