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Définir l’altersexualité - par Lionel Labosse

vendredi 25 octobre 2013, par phil

 "L’altersexualité : voici un mot bien pratique pour désigner "les personnes dont le sexualité est autre qu’exclusivement hétérosexuelle". Omniprésente dans l’espace médiatique, l’altersexualité est la grande absente de l’ Education. Quand la culture cinématographique et entre autre les péplums ne montrent qu’une antiquité "orthosexuelle", ne peut-on parler d’homophobie passive ? Il faut éduquer, convaincre, et non interdire... "
Altersexualité, éducation & censure par Lionel Labosse. Publibook, p 232

Par le mot « altersexuel », alternant avec « gai », je désignerai l’ensemble des « personnes dont la sexualité est autre qu’exclusivement hétérosexuelle ». Les néologismes « altersexualité » et « altersexophobie » économiseront de fastidieuses périphrases. L’altersexualité est aussi bien une autre façon d’envisager la sexualité, qu’une sexualité résolument respectueuse d’autrui, à rapprocher du monde postsexuel que certains esprits novateurs appellent de leurs vœux.

Cet article est paru dansPref mag n° 19, mars-avril 2007. Il a été régulièrement mis à jour depuis. Toutes les illustrations, ainsi que les vignettes du site et de la rubriques sont tirées de cet article. Ce sont des montages du rédacteur en chef Jacques Raffaelli à partir d’affiches de propagande soviétique. Qu’il en soit remercié.

Altersexualité / Orthosexie

Ces néologismes se sont imposés un soir de juin 2004, alors que je commençais à rédiger Altersexualité, Éducation & Censure. Je pensais à un article récemment paru dans Le Monde (« Le mariage universel pour en finir avec l’« homosexualité » », 23 mai 2004), dans lequel Christophe Donner se déclarait insatisfait du mot « homosexualité ». De même, dans un ouvrage pour la jeunesse, H.S., d’Isabelle Chaillou, l’héroïne déclare-t-elle : « Je ne serai jamais homosexuelle de mon plein gré. Jamais, jamais, écoutez-moi, jamais je n’accepterai une chose pareille ni un mot aussi horrible. Un H affreux comme une prison, et sexuelle comme une « obsédée sexuelle » » (p. 35). Il est bien évident que je n’ai pas inventé le fil à couper le beurre. Voir par exemple l’ouvrage de Jonathan Ned Katz, L’invention de l’hétérosexualité, qui a montré à quel point la dichotomie Homo / Hétéro est une invention normopathe, qui constituait certes un progrès par rapport à la négation de tout plaisir sexuel précédemment en vigueur, mais que l’on pourrait dépasser, un siècle et quelque plus tard ! Rappelons que les mots homosexuel / hétérosexuel ont été inventés de toutes pièces entre 1869 et 1893. Pour « gay », l’ouvrage de Katz cite l’extrait édifiant d’une entrevue de James Baldwin par Village Voice en 1984 : « Plus personne n’aura à s’appeler gay. Je suis peut-être à bout de patience avec ce terme. Il répond à un argument erroné, à une fausse accusation » (op. cit. p. 105) [1]. Quant au « B » censé ranimer la flamme du bisexuel inconnu, c’est une rigolade, qui disparaît dès qu’on devient sérieux. Par exemple, lorsqu’il est question du sida, les statistiques évoquent systématiquement des hétérosexuels d’un côté et des homosexuels atteints d’un autre côté, avec une belle ligne rouge qui sépare clairement les deux entités. Depuis trente ans, une association « LGBT » s’est-elle formalisée de l’absence de cette catégorie ? Pour rendre visible la catégorie, il serait nécessaire d’instaurer l’usage du néologisme « monosexuel », « monosexualité » vs « bisexualité » : ainsi, le « bisexuel » se différencierait-il autant de l’hétéro que de l’homo, tous deux monosexuels [2].

Le sigle « LGBT » — ou « LGBTQ » [3] — ne me satisfaisait pas plus : les sigles sont difficiles à retenir pour les non-initiés. Pourquoi les « LGBT » exigeraient-ils que les autres comprennent celui-ci, encore plus flanqué d’un « Q » pour le moins ambigu ? Que dire du pluriel « les homosexualités », véritable rouleau-compresseur à transgenre ? [4] Et du franglais « queer », lequel semble servir de fanion groupusculaire à une minorité universitaire élitiste ? À l’origine, le mot « queer » utilisé notamment aux États-Unis, retournait une insulte homophobe anglaise, comme en son temps la « négritude » retournait l’insulte « nègre » [5]. On note aussi le sympathique « transpédégouines » cher à Madame H, qui a au moins le mérite de l’humour, mais oublie les bi. [6]


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