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Harcèlement sexiste en ligne

jeudi 23 août 2018, par Lionel 3

Insultes, menaces : une majorité de femmes ont déjà connu des formes de violences sur Internet. Le Haut Conseil à l’égalité dénonce l’impunité dont profitent les auteurs de ces actes.

« Saleté de catin sans cerveau », « j’ai envie de la voir brûler à la manière de Jeanne d’Arc », ou encore « t’es vraiment moche », « t’es une merde » et autres horreurs : ceci est un infime échantillon des centaines de commentaires reçus par la youtubeuse féministe Marion Seclin au début de l’été 2016, alors que la jeune femme venait de poster une vidéo sur le harcèlement de rue. Ce flot d’insultes et de menaces incessantes à l’égard d’une femme porte un nom : le cyberharcèlement sexiste. Relativement peu connues, souvent minimisées et difficilement quantifiables, ces violences font l’objet d’un vaste rapport rédigé par le Haut Conseil à l’égalité (HCE).

Remise ce mercredi au secrétaire d’Etat chargé du numérique, Mounir Mahjoubi, cette enquête, fruit de dix mois de travaux, vise à endiguer « l’impunité » dont bénéficient ces violences, selon l’instance nationale consultative. Et ce alors que, note le HCE en préambule, selon l’ONU Femmes, en 2015, 73 % des femmes interrogées ont déclaré avoir déjà été la cible de ce type de violences. De quoi s’agit-il précisément ? Qui est pris pour cible ? Dans quel contexte ? Comment agir ? Autant de questions auxquelles le HCE tente de répondre au fil de ces 100 pages.

« Ces violences sont bien réelles et ont des conséquences parfois dramatiques » sur la « santé, la vie sociale ou intime des victimes », souligne le HCE. Et de citer l’exemple tragique de Marion Fraisse, adolescente de 13 ans qui a mis fin à ses jours en 2013 après des mois de harcèlement. Ainsi, le HCE préfère éviter d’employer le préfixe « cyber », qui sous-entend un aspect virtuel, au profit du terme « violences en ligne ». « Se faire insulter sur Internet, c’est se faire insulter quand même », abonde Marion Seclin, interrogée par Libération. La jeune femme a été victime de ce que l’on appelle un « raid » : des attaques ciblées, organisées, souvent menées contre des journalistes (à l’instar de Nadia Daam, harcelée pour avoir dénoncé le sabotage d’un numéro de téléphone « antirelous »), ou des militantes féministes. Marion Seclin, elle, a reçu plus de 40 000 messages d’injures, de menaces de mort ou de viol. « Tout cela s’est transposé dans le monde réel : je me suis déjà fait provoquer ou insulter dans la rue, j’ai aussi reçu des courriers anonymes dans ma boîte aux lettres », relate-t-elle. Et de poursuivre, un brin résignée : « En fait, c’est triste à dire, mais c’est le quotidien de toute fille qui s’exprime sur Internet, que ce soit pour parler de féminisme, d’astrologie, ou même de beauté. On finit toujours par se faire attaquer, souvent sur notre physique. »

Le HCE estime qu’il faudrait sans doute modifier légèrement la loi en précisant par exemple la définition du délit de harcèlement pour qu’il englobe ces « raids » : au lieu d’évoquer des propos ou comportements répétés d’une seule et même personne, la loi pourrait, suggère le HCE, mentionner des « actions concertées ».

« Par ces agressions en ligne un objectif est visé : le contrôle de la place des femmes », analyse le HCE. Cette « domination masculine » qui peut s’insinuer jusque dans le couple, par le biais des nouvelles technologies (surveiller son ou sa conjoint·e à son insu), constitue clairement une forme de cybercriminalité encore « largement méconnue en France », notent les rapporteurs du texte. Pour rendre visible l’ampleur du phénomène, le HCE préconise notamment que les violences faites aux femmes en ligne soient, par exemple, intégrées dans les enquêtes de victimation existantes, par exemple dans l’enquête annuelle « Cadre de vie et sécurité » conduite par l’Observatoire national de la délinquance et l’Insee.


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