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Controverses sur le Baiser de la lune

lundi 9 août 2010, par Andy

"Si les enseignants sont supposés lutter contre toute forme de discrimination (racisme, antisémitisme, homophobie, sexisme…), il existe peu de support pédagogique pour traiter de la question du genre et de l’homosexualité !"
Film destiné à expliquer l’homosexualité aux CM1-CM2, « le Baiser de la Lune » est enfin distribué après deux ans de polémiques. Ça faisait un moment qu’on l’attendait. Deux ans après sa réalisation, le Baiser de la Lune, un court métrage à l’intention des CM1-CM2 qui raconte l’histoire de deux petits poissons, Félix et Léon, épris l’un de l’autre, va enfin être mis à disposition cette semaine pour les enseignants et les éducateurs par l’intermédiaire de la société de production l’Espace du mouton à plumes. Ce film d’animation avait provoqué des remous. Destiné à un public trop jeune, taxé d’hétérophobie, d’incitation à l’homosexualité… des associations de parents d’élèves avaient multiplié les lettres et pétitions contre ce projet. Face à la bronca, le ministre de l’Education nationale, Luc Chatel, avait alors estimé que le Baiser de la Lune n’avait pas vocation à être montré en primaire, le traitement de la question des orientations sexuelles lui paraissant prématuré. Avant de spécifier toutefois, que si l’Education nationale ne soutenait pas le projet, « le choix des supports pédagogiques, en fonction du contexte éducatif et du public scolaire concerné, est laissé à la liberté de l’enseignant ». Soutenu par la Ligue de l’enseignement d’Ille-et-Villaine, des associations LGBT (1) et plusieurs villes, le court métrage n’a pourtant rien de sulfureux. Dans un château qui prend l’eau, une chatte, Agathe, considère Félix, un poisson-chat, comme son neveu. Agathe, un peu trop bercée par les histoires de princes et de princesses, souhaiterait voir son Félix marié et lui cherche une petite poissonne. Sauf que voilà, Félix, les femelles très peu pour lui : celui qui lui fait battre les branchies, c’est Léon, le poisson-lune. Au grand désespoir d’Agathe. Sous les yeux du Soleil et de la Lune qui vivent, eux aussi, une histoire d’amour, le regard de la chatte va évoluer en voyant les petits poissons s’aimer d’amour tendre. Si l’histoire est poétique, la question demeure : les CM1-CM2 sont-ils trop jeunes pour entendre parler d’homosexualité ?
« Le film parle d’amour, de la pluralité des relations amoureuses. Pas de sexualité. Ce sont les adultes qui réduisent bien souvent l’homosexualité à la relation sexuelle, souligne le réalisateur, Sébastien Watel. C’est un conte moins stéréotypé que d’ordinaire. Nous avons voulu montrer qu’il n’y a pas de différences entre une histoire de princes et de princesses. Le film sert à aiguiser l’œil à la différence, à la tolérance, et à montrer qu’il n’y a pas qu’un seul modèle en matière d’amour, ni un au-dessus des autres. » Au cours des deux dernières années, Sébastien Watel a montré son film dans divers festivals. Chaque séance était suivie d’un débat avec les enfants. Si certains jeunes spectateurs questionnaient le réalisateur sur des aspects cinématographiques, d’autres rebondissaient volontiers sur l’intolérance d’Agathe, le droit d’aimer qui l’on veut, l’homosexualité… « A 10 ans, les enfants commencent à déconstruire les préjugés, expose Sébastien Watel. Ils font le parallèle avec le racisme, qu’ils connaissent bien. Contrairement aux ados, ils ne sont pas encore
pris dans la norme, le regard des autres. Ils comprennent bien le film qui est aussi sur le regard des autres et la liberté. »
Zelda Deloraie, enseignante en Bretagne, a emmené sa classe de CM2 à une de ces projections. Sa motivation ? « On entend régulièrement des insultes dans la cour de récré : "pédé-sexuel", "homosexuel". Bien souvent, les enfants les profèrent sans même savoir ce que cela veut dire. Ce qui m’intéressait, c’était de lutter contre ces a priori » raconte-t-elle. (...) Sans ce support, je ne me serais pas lancée », ajoute Zelda Deloraie. Dans sa classe, le débat s’est prolongé. Il a servi à expliquer le mot « phobie » et le préfixe « homo ». « Ce sont des petits verrous qui s’ouvrent. On ne les fait pas sauter en une projection, mais aborder ces sujets suffisamment tôt permet aux idées de cheminer, de ne pas les rejeter d’emblée », explique l’enseignante, qui imagine aussi que si l’un de ses élèves se découvre homosexuel, il ou elle se sentira moins seul. En tout cas, aucun parent n’a bronché. « J’avais hésité à les prévenir. Je ne l’ai pas fait car c’est parfois plus compliqué d’aborder les questions de racisme et de discriminations avec les parents qu’avec les enfants eux-mêmes ! » Par ANNE-CLAIRE GENTHIALON , extrait d’article de Libération. Fr

Toutes infos pour commander le film d’animation : http://www.le-baiser-de-la-lune.fr/