Accueil > PARCOURS DIDACTIQUES > La contribution mathématique de Rachel

La contribution mathématique de Rachel

mercredi 7 août 2002, par Andy

Bonjour, En pleine reconversion personnelle et professionnelle je prépare le CAPES de mathématiques en candidate libre. Au cours de mes reflexions je pensais à la façon de faire partager mon intérêt pour les maths aux élèves. Comme en parallèle je m’ouvre enfin à "l’homo-amour" et que je découvre la culture littéraire et historique qui lui sont attaché, votre site et plus particulièrement votre article intitulé "en maths, qu’est ce que je peux faire ?" m’ont interpelé.

....

 Voila, vos suggestions sont très intéressantes mais je pense qu’il existe une façon plus fondamentale pour insérer les maths dans la culture de la tolérance ou utiliser les maths à des fins de tolérance.

 En fait on s’aperçoit tout les jours que les chiffres sont utilisés à mauvaise escients, mal compris ou mal interprétés allégrement alors que correctement utilisés ils peuvent clarifier le monde, le rationaliser et le dédramatiser.

 Je m’explique : une des raisons fondamentale de l’obscurantisme c’est l’incompréhension de ce que représente une "condition nécessaire et/ou suffisante" ou encore la mauvaise compréhension des pourcentages et des probabilité.

 Comment voulez-vous convaincre quelqu’un qu’une femme masculine ou qu’un homme féminin n’est pas "forcément" un homosexuel(les) ou qu’une personne d’origine magrébine n’est pas "forcément" agressif/voleur (ou autre) lorsque son expérience propre semble lui indiquer le contraire ? La réaction attendue pour moi d’un élève qui n’a pas suffisamment de recul est "forcément" de douter profondément de ce que vous lui dites. Pourquoi ? Parce que même intuitivement il a une notion de "corrélation". Si les personnes d’origine magrébine (en France), ou les homosexuel(les) présentent des comportements "en moyenne" différents d’une population de référence pour des raisons historiques cela ne veux pas dire qu’individuellement ces personnes répondront à ces moyennes souvent devenues des stéréotypes. Cependant nier ces différences de "moyennes" ne peut que nuire à la crédibilité de nos propos.

 Pour parler plus simplement prenons un exemple très simple qui m’est venu récemment et qui me réconcilie intellectuellement avec des contradictions que j’avais en tête.

 Lorsque qu’on découvre ce que l’on peut appeler le milieu "homo" on n’est frappé par le fait que oui bien sûr toutes les lesbiennes ne sont pas camionneuse mais quand même ! Il existe un côté en moyenne plus "masculin" que la moyenne des femmes et ça on ne peut le nier. Comment faire malgré tout comprendre qu’il est important pour l’intégrité des personnes de ne pas avoir d’à priori ni de préjugés en la matière afin de laisser à chacun(ne) la possibilité de choisir librement ses amours ?

 Facile, c’est "mathématique" :

 Prenons comme statistique trouvée dans un ouvrage américain le fait que 70% des lesbiennes se sont vues traitées de "garçon manqué" ou se considéraient jeunes comme telles et estimons le pourcentage de lesbiennes visiblement plus "masculines" que la moyenne à ce chiffre. Par ailleurs considérons tiré du même ouvrage un pourcentage de 17% de "garçon manqué" pour des femmes dites "hétérosexuelles". La conclusion rapide d’une personne réfléchissant trop rapidement ou ne possédant pas suffisamment de culture mathématique c’est de dire que oui, le cliché de femme "camionneuse=lesbienne" est amplement justifié, 70% par rapport à 17% il n’y a pas photo !

 Mais voila, prenons arbitrairement le chiffre de 5% pour le nombre de femmes lesbiennes parmi toutes les femmes (dans la littérature il oscille entre 2-3% et 10% selon les définitions les sources ou les sondages).

 Le résultats est que sur 100 femmes, en moyenne, 5 seront lesbiennes, 20 auront un look masculin et parmi ces vingt seules 18% (soit 3-4) selon lesbiennes. Démonstration flagrante que dire qu’une fille au look masculin est "forcément lesbienne" est "mathématiquement" stupide et que l’on a toutes les chances de se tromper. Rien n’empêche par ailleurs d’expliquer que même si les chiffres étaient moins criant même si l’on avait qu’une chance sur 10 de se tromper, pourquoi risquer de perturber ou de blesser inutilement quelqu’un en présupposant quelque chose que l’on pourra tout à loisir découvrir et qui dans un sens ou dans un autre ne vous mets pas plus en danger ?

 Une démonstration de ce type a le mérite d’expliquer et de coller à certaines "observations" que nous pouvons tous faire au lieu de garder certains chiffres "tabous". J’avais fait les même considérations à propos du taux de criminalité plus élevé chez certaines couches de la population, pourquoi le nier quand il est ressenti au jour le jour ? c’est laisser la place à des explications extrémistes, il vaut mieux l’expliquer et même si on nous donnait des taux de criminalité de 10 fois supérieurs à la moyenne pour la population d’origine magrébine cela n’empêche pas l’immense majorité de cette population de vivre le plus honnêtement possible en étant victime et de cette minorité turbulente et du racisme ambiant.

 Dans le même ordre d’idée lorsque l’on décide de "diaboliser" l’utilisation du cannabis au volant (à raison ou pas là n’est pas la question) on utilise des explications mathématiques fausses ou notoirement incomplètes genre "10% des personnes responsables d’accidents de la route sont sous l’emprise de cannabis" et les journalistes de trouver ça terrible. Je réponds "je parie qu’environ 50% des personnes responsables d’accidents sont des hommes, 10% des blondes et 5% des noirs". Tant que l’on ne sait pas quel est le pourcentage dans une population de référence ces affirmations n’ont aucun sens, et pourtant, combien d’affirmations de ce style peut on entendre à la télé ou des les journaux ?

 J’espère avoir contribué à montrer que les maths peuvent aller nettement au delà du politiquement correct dans les énoncés (ce qui est déjà très intéressant je le reconnais). L’esprit mathématique et plus généralement scientifique est tolérant par excellence, il présuppose l’absence de préjugés et l’appréhension d’un phénomène par l’expérience, les chiffres et l’observation, tout le contraire de l’intolérance !

 Félicitations pour votre site, Sincères salutations, Rachel