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Jeunes & homos

vendredi 1er septembre 2000, par phil

Posons nous la question suivante : quel parent envisage que son enfant est susceptible de devenir homosexuel. Comme l’écrit l’association "Contact" "l’homosexualité est rarement envisagée dans les traditions culturelles et éducatives familiales" dans nos pays occidentaux. Un enfant homosexuel est toujours situé hors du cadre "normalement" prévu. Il n’est pas attendu ; et souvent difficilement accueilli comme tel. Peu de choses, de médiateurs ou d’institutions, et encore moins le monde scolaire n’aide les parents devant faire face à la révélation de l’homosexualité de leur fils ou de leur fille. Et les enfants en question sont aussi demandeurs que leurs parents désemparés."L’école ne nous a pas préparé à cela !" déclarent les uns comme les autres, avec raison.

 Concernant les jeunes homosexuels, nous regrettons que les vieux poncifs populaires, les anciens préjugés qui courent dans toutes les couches de la population n’évoluent toujours peu. Les jeunes homosexuels en construction sont toujours privés de précieux référents culturels concernant l’homosexualité. Rien ne valorise leur orientation amoureuse. Il n’existe pas d’approches scolaires de romans, d’oeuvres poétiques, de documents culturels valorisants sur lesquels ils pourraient s’appuyer. La littérature traditionnelle a souvent présenté une homosexualité dite noire qui n’a rien à voir avec les situations amoureuses actuelles, des romans étudiés en classe présentent des personnages homosexuels fort peu recommandables. Rare sont les intrigues romanesques qui évoquent avec bonheur les amours entre garçons et entre filles. Bien sûr, aucune réflexion, aucune recherche, aucune savoir présentant l’homosexualité dans d’autres perspectives heureuses sont entreprises et exposés en classe. Seuls quelques films britanniques commencent à présenter une homosexualité moins terrifiante pour la jeunesse. .Faut-il que l’homosexualité demeure éternellement un danger, une menace, un triste avenir, une honte, une existence forcément inaboutie ? Faut-il que l’homosexualité masculine et féminine se cantonne à ce “douloureux problème” ? Faut-il que l’homosexualité ne puisse jamais se vivre avec bonheur ? Quelles responsabilités adultes avons-nous devant ces dépressions, ces comportements sexuels à risques, ces échecs scolaires, cette dépréciation de soi, et dans certains cas lorsque le jeune est banni, à dix-huit ans, du domicile familial et a recourt à la prostitution pour subsister ? Que font les éducateurs de notre république ? Il y a urgence pédagogique pour intégrer à bon escient les questions relatives à l’homosexualité et bisexualité dans les programmes et manuels scolaires dès le collège. L’apparition du sexuel, du désir est de plus en plus précoce. Les jeunes homosexuels se révèlent (coming-out) de plus en plus tôt dans un milieu scolaire et familial où tout est fait comme si cette éventualité ne se posait jamais. Rien ne facilite l’épanouissement du jeune homme, de la jeune fille, de l’adolescent(e) qui se découvre une attirance pour les individus de même sexe. Rien n’aide cette jeunesse homosexuelle à s’accepter pleinement. Le jeune homosexuel n’existe pas, aucune place ne lui est faite dans les établissements scolaires : nulle mention dans les programmes et manuels scolaires, nulle parole d’enseignant,e sur ce sujet là. Si la société a globalement évolué vers davantage de permissivité vis-à-vis de l’homosexualité, elle demeure un tabou à l’école. En parler à l’école sera toujours taxé de prosélytisme. Pris individuellement, l’adolescent,e qui se découvre en 1999 gay, lesbienne ou bisexuel,le peut souffrir d’un environnement familial, scolaire et social largement hétérosexiste, homomoqueur, voire homophobe. La honte, le dégoût de soi, la culpabilité sont fréquemment les conséquences d’un modèle positif d’homosexualité et bisexualité manquant, ignoré par les réseaux d’informations scolaires et sociales. L’adolescent,e cachera par crainte du rejet ses profonds sentiments. Il commencera à vivre, ce qui fait l’un des pivot essentiel de sa personnalité, dans le secret, la totale dissimulation, mais aussi parfois l’isolement, le désert affectif, voire la dépression, ou pire la tentative de suicide. Le peu d’estime de soi pourra s’avérer ainsi très destructeur : imperméabilité aux messages de prévention sida, dévalorisation personnelle, échec scolaire. Les jeunes homosexuels sont ainsi placés dans des situations d’extrêmes fragilisations et leur familles peuvent plonger dans de profonds désarroi. Les parents de jeunes homosexuels déplorent ne pas avoir été préparé par l’institution scolaire à de telles éventualités. Les parents de jeunes homosexuel,le,s relèvent que l’homosexualité est rarement envisagée dans les traditions culturelles et éducatives dans la famille et naturellement hors la famille. Lieu d’éducation par excellence, il est des valeurs où la famille joue un rôle plus prégnant, conditionne davantage l’enfant. Les familles sont parfois les foyers de préjugés, d’idées toutes faites et de tabous transmis par des origines culturelles ou sociales, des croyances qui nient l’homosexualité. Rares sont les parents qui se préparent à ce que leur enfant oriente ses sentiments affectifs vers l’homosexualité. Nul n’imagine un instant que l’enfant qu’il a mis au monde puisse devenir homosexuel. Les parents sont alors démunis pour affronter la réalité affective de leur enfant qu’ils aiment, leurs propres préjugés et leur méconnaissance. Nous pensons qu’il est nécessaire que les travailleurs sociaux , les éducateurs, et toutes les structures d’accueil de l’enfance les informent, les écoutent, et les soutiennent. Parallèlement, les enseignants , évoquant dans leurs cours l’homosexualité,là où nous ne devons plus faire l’impasse, permettraient de briser le silence général et ouvrir une brèche dans le tabou. Inscrire l’homosexualité dans les manuels scolaires, en parler dans des chapitres oubliés serait un moyen essentiel pour faire évoluer des familles en particulier, et la collectivité nationale en général ; parce que les manuels scolaires circulent dans les familles et remplissent les bibliothèques. Ici interviennent nos projets d’éducation, non pas à l’homosexualité, mais à davantage d’ouverture pour l’individu homo, la famille homo, le professionnel homo, le politique homo... Rendre lisible, visible, possible l’homosexualité dans les programmes et manuels scolaires : réinventer une éducation aux sexualités et à l’affectif , revisiter l’éducation à la citoyenneté, ne plus occulter le fait homosexuel dans les cours d’enseignements généraux en littérature, langue, arts, histoire... étudier en classe les discriminations, lever le voile opaque qui couvre l’homosexualité dans les oeuvres classiques et modernes... mais aussi développer avec les médias une pédagogie collective... sont les pierres angulaires sur lesquelles fonder une nouvelle société sans hétérosexisme flagrant, où l’homosexualité et la bisexualité seraient complètement banale, où les amours seraient finalement “sans étiquettes”... Les parents de l’association Contact qui sont nos premiers interlocuteurs comme parents d’élèves homosexuel,le,s souhaitent que leurs enfants vivant l’amour autrement soient heureux ! Que la révélation de l’homosexualité d’un enfant dans les familles ne leur enlève en rien la place qu’ils ont dans leur foyer, qu’ils demeurent l’enfant de leur parent , car leur orientation sexuelle n’enlève rien à leur personnalité. Que l’écoute, le dialogue, et l’absence de jugement fondent le meilleur comportement devant l’enfant homosexuel qui aura nécessairement besoin d’une aide familiale pour mieux s’assumer tel qu’il est. Les parents d’homosexuels affirment aussi que des familles diverses donnent une grande diversité du fait homosexuel. Il y a des homosexualités. Il n’y a pas de stérotypes qui tiennent. Il y a des vécus différents marqués par toute une gamme de nuances comportementales, sentimentales ou dans les pratiques sexuelles. Il est clair que les familles manquent d’informations. Et l’école peut être vecteur d’information sur la réalité des vécus des gais et lesbiennes...

 D’après un rapport américain 30% de la totalité des jeunes suicidés sont homosexuels. Un psychologue fulmine : “dans une société où, à l’école “pédé” ou “gouine” demeure l’insulte suprême, où la famille n’envisage que le seul amour hétérosexuel, où l’Eglise qualifie l’homosexualité d’acte contre-nature, les adolescents commencent une existence à travers le prisme du mensonge, du doute et du déni de soi. Ce que les sociologues nomment “ l’homophobie intériorisée”” (source Ex Aequo, 1997). Les ados se nient alors à eux-mêmes leur orientation sexuelle, et le chemin de la destruction de soi n’est plus très loin. On assiste à des dépressions, des usages de drogues, une tentation à l’alcoolisme, des tentatives de suicide mais aussi des prises de risques vis à vis du sida.Une étude récemment menée par un pédiatre de l’université du Minnesota montre que chez les jeunes hommes se déclarant homosexuels ou bisexuels, le taux de tentatives de suicide se monte à 28%, tandis qu’il était de 4,5% pour les étudiants hétérosexuels. Parmi les étudiantes hétéros le taux de comportement suicidaire est de 4,5% contre 20% chez les homosexuelles. Le chercheur analyse que les garçons sont davantage soumis à des pressions sociales et à des stéréotypes culturels que les filles concernant leur orientation sexuelle. Les groupes gay américains réclament, par conséquent, une plus importante prise en charge de leurs actions de prévention du suicide par les pouvoirs publics. Nous aimerions en France que des études, des chiffres à ce sujet voient le jour, bien que nous ne pensions pas qu’il existe ici d’exception française. Par ailleurs, de sérieuses données statistiques ne permettraient plus aux élus de se voiler la face, mais d’envisager une sérieuse politique de protection de la jeunesse homosexuelle avec des actions éducatives en matière d’éducation sexuelle plurielle, d’enseignement civique contre toutes discriminations y compris homophobes, et d’éducation culturelle sans tabou favorisant une prise de repères positifs pour les jeunes, nos élèves des collèges et lycées (en prévoyant une préparation adaptée en école primaire)... mais le chemin sera long. N’oublions pas le témoignage de notre enseignant californien (cf. page 9) qui ne peut s’affirmer ou évoquer l’homosexualité devant un public de jeunes dont les parents appartiennent à la coalition chrétienne très extrémiste.Une partie du mythe californien fut ébranlée en direct pendant notre débat. Les USA ne sont donc pas l’eldorado homosexuel que l’on pourrait imaginer. Autre exemple : un lycée de Salt Lake city refuse la formation dans son établissement d’une antenne de l’association Gay-Straight Alliance Network qui crée des groupes de parole dans les lycées. En Grande-Bretagne, une jeune lycéenne lesbienne témoigne dans le journal “Diva” comment elle tenta de contrecarrer les propos homophobes d’un camarade de classe et qu’elle se retrouva sans appui de la part des adultes homos comme hétéros. Pour répondre à un besoin de conseils et d’aide de la part de gens qui furent dans ce genre de situation, des entreprises de “démystification dans les écoles” (en québécois dans le texte). sont organisées par des associations gay au Québec et en Norvège. Aglaé s’est renseignée auprès d’un organisme québécois sur ces “démystifications”. Nous espérons une fructueuse coopération éducative. On ne déconstruit pas les préjugés en un jour ! Mais on peut tenter... Rêvons du grand SOIR où les mentalités auront évolué d’une telle façon que les amoureux des bancs publics, chers à Brassens, seront aussi des couples d’individus du même sexe... et ce sera d’une telle banalité de les voir ainsi se bécoter.

 Voici un message de l’association familiale CNAFAL ( Conseil National des Associations Familiales Laïques). Sa présidente, Madame Michèle FOURNIER-BERNARD s’adressant aux associations homosexuelles (et notamment à l’association Aglaé) affirmait : "La famille est en effet particulièrement bien placée pour modifier les représentations et mettre fin aux trop nombreuses situations d’intolérance et de rejet que nous connaissons aujourd’hui".

<< Aujourd’hui, 22 juin, les homosexuels (les) sont dans la rue, tous unis dans la grande marche qui clôt de façon spectaculaire le lesbian & gay pride, événement d’une portée nationale, ou pendant une semaine, informations, échanges et débats auront peut-être permis de mieux connaître et comprendre l’homosexualité et faire aussi avancer les idées. Ils sont tous là, dans la rue, à visage découvert, exigeant d’être vus et reconnus refusant de se cacher et de taire plus longtemps leur différence. Différents certes, minoritaires sans aucun doute, mais aucunement anorrnaux ou malades. Différents bien sûr, mais refusant d’être plus longtemps caricaturés, marginalisés, regardés comme s’ ils n’étaient pas ce qu’ils sont des êtres humains dignes de reconnaissance et de respect, des citoyens à part entière dans une république laïque. Le choix d’en parler, le choix de ne pas se cacher est la meilleure réponse à apporter à tous ceux qui voudraient, en les condamnant à l’ombre et au silence, faire croire que ces femmes et ces hommes vivent des situations honteuses qu’il convient de cacher. Association progressiste et laïque, le CNAFAL (Conseil National des Associations Familiales Laïques) attache la plus grande importance au respect de l’individu et à la reconnaissance de toutes les formes de structures familiales. S’il a tenu à faire parvenir ce message aujourd’hui, c’est parce qu’il est intimement convaincu du rôle essentiel que peut jouer la famille dans l’évolution des mentalités. C’est dans la cellule familiale tout d’abord que l’enfant qui sent émerger son homosexualité doit pouvoir trouver la possibilité de parler, d’être rassuré, d’être reconnu. Le regard des parents, regard d’amour, de compréhension, d’acceptation sereine donnera au jeune adolescent la force d’affronter les regards trop souvent ironiques ou hostiles qu’il ne manquera pas de rencontrer. Il sera d’autant plus fort que ses parents lui auront montré par leur comportement qu’il est digne de respect, d’amour et mérite le bonheur.

Combien de parents n’osent pas parler de cette réalité, même pas avec leurs proches, mettant ainsi en péril la relation avec leur enfant ? Combien de souffrances non exprimées et qui deviennent vite intolérables parce que non partagées.... ? Trop lourd secret qui finit par tuer toute spontanéité, toute possibilité de communication, de compréhension. Rien n’est plus insupportable pour un adolescent, et même un adulte que redouter le jugement de ses parents. Rien de plus terrible que de ne jamais pouvoir présenter son compagnon ou sa compagne et dire à sa mère et son père : "voyez, je suis heureux, soyez le aussi ».

Le travail à accomplir en direction de toutes les familles est énorme, mais essentiel car c’est la famille qu’il faut libérer des préjugés, des lieux communs. Si l’on veut que la société à son tour se libère et soit capable de reconnaître tous ceux qui la composent dans leur différence, leur caractère unique et donc irremplaçable.

Tout sera possible, le jour où les parents oseront affirmer clairement qu’en faisant le choix de donner la vie, ils ont fait le choix de reconnaître à leur enfant le droit de vivre pleinement en accord avec lui-même.

Tout sera gagné le jour où les parents oseront enfin, au vu et au su de tous, dire à leur enfant « va, accomplis ta vie avec pour exigence première le respect de l’autre et de soi-même. Va et aime-toi comme nous t’aimons ».

 ASSOCIATION CONTACT, parents de jeunes homosexuel,le,s ; intervention d’André Garcia

(...) A tous les parents concernes par homosexualité de leur enfant, ceux qui le savent et ceux qui ne le savent pas encore, et à tous ceux qui seront concernés un jour, nous lançons cet appel ; Ne rejetez pas cette différence, ne la taisez pas vous éviterez ainsi souffrance et difficultés multiples ou, plus grave encore, la manifestation de comportements destructeurs, suicidaires. Nous affirmons qu’il est de notre responsabilité de parents de permettre à tous nos enfants de se construire avec leur personnalité, de faire en sorte qu’ils deviennent ceux qu’ils sont et non ce qu’on voudrait qu’ils soient. (...) Au-delà des parents et à travers eux, nous interpellons tous les acteurs de la société pour les inviter à remettre en question la certitude qu’il n’existe qu’un modèle convenable : l’hétérosexualité.

Nous nous adressons particulièrement a tous ceux qui ont pour responsabilité d’éduquer les jeunes. Soyez particulièrement attentifs à ce qu’ils ressentent et accompagnez-les dans leur recherche d’eux-mêmes, sans préjugés, sans modèle unique.

Enfin, nous nous adressons aux femmes et aux hommes politiques de tous les pays pour que les gais et les lesbiennes soient des citoyens de plein droit : Dépénalisez toute discrimination fondée sur la préférence sexuelle, légalisez les couples homosexuels et reconnaissez partout aux homosexuels le droit à l’existence.(...)


D’après la Lettre d’Aglaé, 1998. Issu de HomoEdu.com, 2000-2006