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Question de sexisme et d’éducation

samedi 30 août 2003, par phil

Le combat contre les idéologies, traditions ou comportements sexistes est à l’origine principalement celui des féministes. Ce combat, l’anti-sexisme, affirme que l’on peut refuser la hiérarchisation des genres et des sexes ; il soutient qu’il existe un droit aux différences individuelles, et remet en question la construction sociale et culturelle de chaque genre, en ce qu’elle peut conduire au sexisme. Par ailleurs, les théories queer partent du refus des inégalités en fonction du sexe, pour nier toute pertinence à la catégorie de sexe.


 Le sexisme est souvent rapproché de concept tels que le machisme, la misogynie ou la misandrie, mais le sens de ces mots diffère : la misogynie ou la misandrie désignent le mépris ou la haine du sexe opposé ; ces sentiments amènent à rejeter l’égalité de statut entre femmes et hommes dans la société.

 Un « macho » (ou machiste) est un type d’homme se comportant avec les femmes de manière grossière ou flagorneuse, utilisant à leur égard le levier psychologique de la double contrainte. Il refuse dans le quotidien les tâches traditionnellement attribuées aux femmes, comme le travail domestique, car cela porterait atteinte à l’idée qu’il se fait de sa virilité.

 Le sexisme, quant à lui, désigne de manière plus générale une conception de la société soutenant que les différences de conditions dans les sociétés traditionnelles sont une constante naturelle et nécessaire résultant des différences empiriques ou d’une différence d’essence entre les hommes et les femmes. De ce point de vue, ces différences empiriques ou cette différence d’essence ont des implications profondes sur les différentes structures de la société, comme la famille, l’entreprise ou l’État.

 L’essentialisme  :

 Ce sexisme peut s’appuyer sur une variante de l’essentialisme.
 L’essentialisme est un terme qui recouvre les doctrines qui s’attachent à l’étude de l’essence (ce qui fait qu’un être est ce qu’il est), par opposition aux contingences (ce qui est accidentel, dont l’absence ne remet pas en cause la nature de cet être).
 Une variante de l’essentialisme qui pourrait servir à justifier le sexisme est celle qui soutient que des individus peuvent être définis, compris et évalués en se fondant principalement sur les caractéristiques du genre sexuel auquel ils appartiennent.

Source : http://fr.wikipedia.org/wiki/Sexisme


Bien que son papa mette un tablier quand il cuisine et que sa maman lise le journal le soir sous ses yeux, Lucile, 4 ans, réagit comme tous les enfants. A la vue d’un dont les traits sont plutôt mascu¬lins, mais qui est vêtu d’un tablier, elle reconnaît la « maman » ; et lorsque le nounours est assis dans un fauteuil en train de lire un journal, elle distingue le « papa ». Les efforts égalitaires de ses parents sont-ils anéantis par la littérature enfan¬tine ? Pas complètement. Il n’empêche : cette enfant s’est déjà engagée sur le par¬cours fléché et sinueux du sexisme.


Prenons un autre exemple : celui de l’univers du jouet.

Pourquoi est-il tellement stéréotypé ? Parce que les parents achètent des jouets stéréotypés. Pourquoi le font-ils ? Parce qu’ils ne veulent pas marginaliser leur enfant. Pourquoi un garçon qui joue à la poupée ou au fer à repasser est-il considéré comme ridicule dès 3 ans ? Parce qu’à l’école les copains di¬sent que ce n’est pas un jeu de garçons. Pourquoi l’école laisse-t-elle faire ? Parce qu’elle ne peut aller à l’encontre de la société, etc. Le raisonnement tourne en rond. Une telle spirale d’interactions peut aller vers le progrès ou vers la régression selon les périodes. Or la période présen¬te est au recul. Et l’école laïque, républicaine, n’est pas étrangère au phénomène. Pour pallier la diffusion de modèles sexistes, les ministres de l’Education na¬tionale rédigent des circulaires pleines de bonne volonté et encouragent le corps en¬seignant à bannir les manuels scolaires trop sexistes. Pourtant, les clichés sexistes se nichent dans tous les coins, des exer¬cices de calcul aux devoirs de grammaire en passant, bien entendu, par la lecture.

Pour se vendre, un jouet doit être « très fille » ou « très garçon » « Le manuel scolaire, c’est l’arbre qui cache la forêt, affirme l’historienne Geneviève Fraisse. Son impact est très différent selon l’environnement culturel de chaque enfant. Pour être efficace, il faut sensibiliser tous les enseignants, fai¬re découvrir aux professeurs qu’ils ont parfois, bien malgré eux, une attitude sexiste, inscrire explicitement la question dans la formation, susciter des débats dans les classes et pousser l’école à diffuser de nouveaux modèles. »

Si l’enfant parvient à éviter les chemins sexistes tracés par l’école et la famille, il lui reste encore quelques montagnes à franchir : les jouets, la littérature, les productions télé et cinéma qu’on lui propose. Là, on n’est plus du tout dans le subtil, le feutré ou l’« à peine percep¬tible » ! Le machisme ne prend plus la pei¬ne d’avancer masqué. C’est flagrant dans la lit¬térature enfantine. Quant aux jouets, ils promettent chaque année de remplir de sexisme la hotte du père Noël. Qui règne en maîtresse de maison sur les emballages des fers à repasser, aspirateurs, poussettes et autres cuisines ? Les fillettes ! Il n’est jamais trop tôt pour se retrousser les manches. Une exception pour la cui¬sine : des petits garçons y sont photogra¬phiés, mais déguisés en chef, avec une toque... Du côté des garçons, c’est au contraire le domaine de l’action, de l’aven¬ture, de la construction ou de la compé¬tition. Toutes choses utiles pour se faire, plus tard, une place dans les sphères du pouvoir. Même si les rayons « premier âge » et « jeux de société » épargnent les esprits égalitaires, le gros du marché est bel et bien sexiste.

Les fabricants de jouets sont-ils d’horribles machos ?

Pas plus, pas moins que d’autres industriels. L’explication est ail¬leurs : la loi du marché ! Plus tu segmentes, plus tu vends. Et, tant que les produits se vendent, il n’y a pas à se poser de question. Car le juteux secteur du jouet est, en langage marketing, un marché de l’offre : on met des produits sur le marché sans consulter les consommateurs et, si les ventes suivent, on conti¬nue. Pour être bien placé dans les magasins, il faut que le jouet participe de l’esprit du rayon : très fille ou très garçon. Amusez-vous bien, les petites ménagères !

Et les enfants se conforment à cette offre. Si un garçon s’amuse avec un fer à repasser, il se trouvera toujours quelqu’un pour lui signifier que « c’est un truc de filles ». « A l’âge où ils forgent leur identi¬té sexuée, les enfants adoptent les mo¬dèles qui leur sont offerts, observe Gilles Brougères, professeur en sciences de l’éducation à l’université de Paris-XIII. Même ceux qui voient, chez eux, un couple parental égalitaire se plient aux mo¬dèles qu’ils rencontrent ailleurs. » Les parents, même les plus audacieux, suivent le mouvement et remettent dans le droit chemin les bambins qui tentent de s’en écarter. Si le garçon demande un jouet de fille, ils le réorientent, gentiment mais fer¬mement. Dans le cas inverse, ils sont plus laxistes, puisque la société porte aux nues son pôle masculin.

Pour enfoncer le clou, le jouet fonctionne souvent main dans la main avec des séries télé de façon à prendre l’entant en étau. Les sociétés de production et les fabricants de jouets (qui associent de plus en plus souvent leurs capitaux) mettent sur le marché, en même temps, une série et ses produits dérivés représentant les héros de la série. Ainsi sollicité, l’enfant finit par se laisser séduire. Or, en vertu de la loi boy is beautiful, l’espace médiatique est majoritairement occupé par des sé¬ries pour garçons. Les Zinzins de l’espa¬ce, Power Rangers, Tortues Ninja, Batman et autres Action Man sont autant de héros masculins qui peuplent les rayons jouets comme les programmes télé pour enfants. A côté d’eux, point d’équivalent féminin. Du coup, pour compenser la pauvreté des produits dérivés, l’univers féminin du jouet se contente de peaufiner ses aspirateurs, machines à laver et autres amusements domestiques.

Les premières consoles vidéo s’appelaient Game Boy

Quelques producteurs se sont parfois pris la tête entre les mains pour imaginer des séries pour les filles. Sans succès. Le jeune public est tel aujourd’hui que les pro¬ducteurs ne peuvent que tomber sur deux écueils. Le premier : se contenter de mettre une fille à la place d’un héros masculin en gardant les mêmes ingrédients d’aventure et de bagarre. Sailor Moon était de cette veine-là. Son auteur et fabricant, Bandai, a dû retirer ses produits des magasins, les fillettes n’ayant pas accro¬ché - trop de bagarres speedées. Quant aux garçons, il n’était pas question, pour eux, d’acheter des jouets pour filles.

Seconde difficulté : tomber dans des domaines considérés com¬me féminins. Ça marche un peu mieux, mais rien à voir avec la ruée sur les produits dérivés. Gaumont a tenté le coup avec Sky Dan-Gers, sans guère de réussite. La société Sa-ban a appliqué la recette avec Princesse Sissi, qui devait contrer Barbie. Le mythe du prince charmant, défendant à la fois le royaume, ses sujets et la frêle princesse, s’est ragaillardi pour l’occasion. Sans faire de miracle. La vente de poupées n’a pas explosé. L’audience des séries est restée parcimonieuse. A quelque chose malheur est bon : si cette déconvenue commercia¬le peut faire disparaître le prince char¬mant de l’univers onirique des fillettes, il ne faudra pas porter le deuil. Car ce prin¬ce est une bombe à retardement. Pendant qu’il endort les rillettes au fond d’un bois, les petits garçons ignorent que leur belle se morfond tant ils sont occupés à apprendre la guerre et à la gagner, ce qui leur sera utile plus tard. Une exception toutefois : Mulan, le dernier dessin animé de Disney, qui envoie une jeune fille au combat. Il faut saluer le roi du marketing enfantin américain, qui a sans doute pris la peine d’observer les fillettes pour voir qu’elles aussi aimaient j l’aventure. Ce n’est pas le cas des créateurs de jeux vidéo.

Ces jouets modernes n’échappent pas, en effet, à la goujaterie du mâle qui se sert d’abord du tout-nouveau tout-beau. Les premières consoles vidéo se sont appelées Game Boy. A juste titre, puisque le Game Boy tourne autour de l’affrontement et de la compétition, notions ty¬piquement masculines. Si girl avait rem¬placé boy, les garçons l’auraient boudé. Les filles, en revanche, ont l’habitude de se contenter de glaner quelques stra¬pontins dans la sphère masculine... en attendant qu’éventuellement on s’occu¬pe d’elles. Et ce moment arrive. Ces mes¬sieurs sont servis, le marché est à satu¬ration ; il faut donc l’élargir. A leur tour, les marketeurs du jeu vidéo se prennent la tête entre les mains pour imaginer des jeux pour filles. Et, là, on entre en terra incognita. Barbie a fait son CD-Rom, qui tourne autour des tenues vestimentaires. Personne ne se hasarde à attaquer la nymphette sur son propre terrain. Il, trouver autre chose. Face au vide, certains fabricants ont eu la merveilleuse idée de demander leur avis aux intéressées. Le résultat est encourageant - chez Playmobil notamment. Lancée sur le marché du jouet en 1974, la marque a attendu 1980 pour créer des jouets mixtes et 1981 pour s’intéresser vraiment à la deuxième moitié de l’humanité. Et elle s’est donné la peine de regarder cet¬te étrange cible.

Dans la pub, la caricature a seule droit de cité

« Filles et garçons n’ont pas la même façon de jouer, explique Véronique Retaux, res¬ponsable de la.communication de la marque. Les filles entrent dans le jeu par le quotidien, en reconstituant des scènes de la vie, souvent avec d’autres personnages féminins, la maman ou l’institutri¬ce. Les garçons identifient les bons et les méchants, et s’opposent à eux. Une fois qu’ils sont entrés dans le monde du jeu, les aventures s’enchaînent aussi rapidement pour les uns que pour les autres. » Fort de cette observation et persuadé que les filles ont la même soif d’aventure que les garçons, Playmobil a demandé à Ubi Soft de créer un CD-Rom pour filles. Comme son titre le laisse deviner, Laura et le secret du diamant fait vivre aux fillettes une aventure qui répond à leurs attentes : non violent, il demande réflexion et créativité, et ne les coince pas dans un parcours déterminé à l’avance.

A l’inverse, sur le front de la publicité, la caricature la plus outrancière a toujours droit de cité. Celle qui vise les enfants, et dont le petit écran nous gratifie abondamment, est en pleine forme. Celle que les mômes voient sans qu’elle s’adresse forcément ou uniquement à eux n’est pas mal non plus. Deux types de produits sont particulièrement prolixes en stéréotypes : D’ d’abord, le petit goûter qui fait plaisir aux enfants parce qu’il est bon et aux mamans parce qu’il est bourré de vitamines ; ensuite, les produits ménagers d’où il ressort que lessiver, frotter, récu¬rer est la joie des femmes, leur raison de vivre. Ces deux types de produits ont pour point commun de n’être achetés que par la femme. Les publicitaires s’ins¬pirent d’enquêtes marketing lui donnant ce rôle glorieux. Mais ces enquêtes n’interrogent que des femmes. Le poncif femme-ménage-enfants tient lieu de postulat marketing.

Pour sortir du cercle vicieux, imposer des modèles d’en haut

Que répondraient les hommes si on leur demandait : préférez-vous un linge propre ou sale, qui sente bon ou pas ; voulez-vous que vos enfants mangent des produits pleins de vitamines ?... Mais on ne leur pose pas la question, donc la publicité les oublie. Le plus ennuyeux est qu’il y a une bonne raison pour que les publicitaires bornent leurs études marketing aux femmes. Pour conquérir un marché, il faut toucher le leader d’opinion. Et, en matière de ménage et d’enfants, le leader est une femme. Le serpent, alors, se mord la queue. Par la force réductrice du mar¬keting de masse, les microévolutions ef¬fectives, ici ou là, ne sont pas de petits ruisseaux qui formeront un jour une gran¬de rivière. Ces petits ruisseaux sont aus¬sitôt asséchés par le soleil publicitaire, qui ne brille que pour les leaders d’opinion -fussent-ils leaders en lessive.

La pub est loin d’être seule en cause. A chaque fois que la féminisation de la so¬ciété fait un pas en avant, les livres pour enfants, l’école, le jouet et les médias l’ignorent, présentant encore et toujours des modèles d’un autre temps. La sortie du cercle vicieux passe sans doute par l’imposition de modèles d’« en haut », avec la parité en politique par exemple. Une fois ces modèles symboliques en place, il faut espérer que les autres diffuseurs de modèles, ceux qui recourent sans s’en rendre compte à des schémas anciens, changeront d’attitude.

I.G.

Un écran publicitaire entre deux dessins animés. Premier spot : un poupon pleure, fait pipi, remue les lèvres. Une fillette le sort gentiment de son berceau, calme ses pleurs, le câline, change sa couche. Deuxiè¬me spot : des jouets téléguidés foncent dans une ambiance enjouée sur un fond musical dynamique. Deux garçons manœu¬vrent, font la course, rigolent, s’éclatent. Troisième spot : gros plan sur un or¬dinateur. C’est un garçon qui est aux commandes. Il joue, voyage, il est le héros de multiples aventures. Et qui vient le déranger dans sa conquête de l’espace ? L’empêcheuse de tourner en rond, sa mère, qui lui dit, avec un sourire gêné : « A table tout de même. » Quatrième spot : des fillettes découvrent avec bonheur les joies de la trousse à maquillage. Ambiance midinette. Joie et plaisir d’apprendre à être la plus belle pour aller danser. Cinquième spot : papa, qui conduit, et ma¬man, qui jette un regard tendre sur les enfants, ne sont pas mécontents d’avoir la paix dans la voi¬ture ; ils ont trouvé pour leurs enfants une ardoise magique parfaitement uti¬lisable en voiture. La ca¬méra s’éloigne des mains des enfants. C’est le petit garçon qui joue, sa sœur le regarde.

Pub pour les jouets : attention danger !

En regardant la pub, les enfants comprennent que lessiver, frotter, récurer est la raison de vivre des femmes.

Extrait du journal Marianne, aout 2007