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Expérimentation en Segpa

lundi 26 août 2002, par phil

Extrait.

Il semble que la jeunesse n’est pas aussi tendre à l’égard de la transgression des normes que l’on pourrait le croire. On est loin aussi d’avoir une sexualité débridée. « Si les comportements sexuels à la marge les interrogent, c’est qu’ils ont avant tout besoin d’être rassurés sur leur propre normalité pour affirmer leur identité sexuelle ». Nous observons aussi que les filles se caractérisent par les qualités attribuées en général à leur sexe. Elles connaissent bien leur destin biologique et ont vite conscience de leurs responsabilités, des risques de grossesse. Elles se vivent déjà en fonction du regard des garçons et ont intériorisé les stéréotypes liés à la féminité et une certaine inégalité entre les sexes. Il y a une modélisation inconsciente à un rôle social plus ou moins soumis au masculin qui décide de l’image de « l’éternel féminin » et vraisemblablement bien plus de leurs propres choix de vies qu’elle ne l’imagine à 15-18 ans... Concernant les jeux d’identités, les filles sont assez ambivalentes. Si elles apprécient une féminisation des comportements masculins, dès lors plus accessibles pour se comprendre, dialoguer, elles préfèrent cependant que les frontières du sexe demeurent bien établies en de certains endroits, que les garçons se comportent en de vrais mâles. Ce qui est la logique d’une intériorisation des modèles machistes par les filles : la féminisation est toujours associée à des traits dévalorisants. Il ne faut donc pas que les garçons se présentent trop féminin. Un peu oui, pour certaines choses, comme s’occuper des enfants et remplir des tâches ménagères, mais pas trop ! Les garçons doivent résider dans la « maison du mâle », ils ne doivent pas transgresser leurs rôles. Par exemple, caricaturalement : se désintéresser totalement du foot à la télé ; ou de l’automobile et en plus le faire ouvertement savoir... Par contre, les garçons acceptent les filles ressemblant à des garçons manqués, car ils ont l’impression de les mieux comprendre. Mais là aussi encore faut-il qu’elle n’évacue pas complètement leur féminité permettant aux garçons et aux filles de s’affirmer dans les jeux classiques de la séduction. Il n’est pas question d’être séduit par une fille masculine employant les artifices masculins de la séduction. Serait-on alors homo sur les bords ? À noter, dans l’ensemble, une fille qualifiée de « garçon manqué » ne craint guère d’être assimilée systématiquement à une homosexuelle. Ce qui explique aussi l’ « invisibilisation » lesbienne... Les mêmes entretiens individuels menés par le projet éducatif en SEGPA présentent une attitude fort compréhensive. Les jeunes relativisent beaucoup le lien entre comportement efféminé et homosexualité, par exemple. Mais les préjugés demeurent même s’ils sont tempérés par une plus grande connaissance de l’homosexualité due à une visibilité accrue des homosexuels dans les médias et dans la rue. Les réactions des collégiens à l’égard des homosexuels s’exercent en deux temps : « Premièrement celui du discours tolérant, en conformité avec une certaine évolution des moeurs que l’on ressent plus ou moins éloignée des valeurs de son milieu ; cependant- deuxièmement, la norme hétérosexuelle est réaffirmée comme étant un ordre de la nature, l’évidence même qui nécessairement catégorise l’homosexualité en forme de déviance. On ne connaît que très rarement l’univers des pratiques homosexuelles, cela reste le plus souvent imaginé. Compte tenu de ce que cette question met en évidence, il semble important de s’arrêter un instant sur ce thème de l’homosexualité ». Il apparaît bel et bien nécessaire, constatant l’état actuel des représentations des élèves de les faire réfléchir sur les notions de « norme », « normalité », « norme hétérosexuelle », et d’« ordre de la nature », de « catégorisation », de « déviance » avec ce que chaque concept révèle et ce que la morale cache... Car la pensée hétérosexiste est très forte chez les « ados ». Le transsexualisme interrogera fortement les certitudes des élèves à cet égard. Il se manifeste, en effet, ici une curiosité, un souci de ne pas juger le transsexuel, mais le désir de savoir ce qu’il vit bien que l’incompréhension l’emporte généralement à un âge où l’on a besoin de structurer son appartenance sexuée à un groupe d’homme ou de femme. Changer une identité première est changer l’ordre des choses pour l’adolescent. Ils perçoivent l’identité sexuée comme liée à leur filiation. Il leur paraît impensable que les parents puissent accepter de tels changements


Post-Scriptum :

ADDA J. DREYFUS H. WOLFF C., Éducation sexuelle et adolescence – De la réflexion à l’attitude pédagogique, CRDP de l’Académie de Grenoble, 1998.