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« J’ai découvert il y a peu de temps qu’une de...

dimanche 8 août 2021, par Lionel 3

« J’ai découvert il y a peu de temps qu’une de mes élèves de 3e est harcelée depuis que son homosexualité a été découverte. Apparemment, cette situation dure depuis novembre. Cette jeune fille n’a rien voulu dire et a donc tout gardé pour elle... jusqu’au jour où elle a « pété les plombs », a tapé dans un mur et s’est cassé le bras. »

Bonjour ! Je me présente : je m’appelle Marie-France, je suis prof (depuis 13 ans) J’enseigne l’histoire géographie et l’éducation civique et j’ai donc de multiples occasions d’aborder des notions comme l’égalité, le respect, les discriminations, etc. Dès la 5e, je ne manque pas de faire ma petite séquence sur le sexisme et l’homophobie. En 3e, l’étude de l’Allemagne nazie me permet d’évoquer le sort réservé aux minorités considérées inutiles par Hitler : tziganes, handicapés et homosexuels. Mais je suis bien consciente que ça occupe une place minime dans notre enseignement. J’enseigne dans le même établissement depuis 11 ans. C’est un petit collège (450 élèves) rural à la limite du Rhône et de la Loire. Le milieu socio-professionnel est relativement défavorisé et nous avons encore beaucoup d’enfants d’agriculteurs. Ce sont des élèves globalement sympas qui posent peu de problèmes de discipline, du moins en apparence... Le niveau scolaire est assez moyen et je déplore souvent le manque d’ambition qui se manifeste notamment au moment de l’orientation en fin de 3e ! C’est un collège dans lequel j’ai beaucoup de plaisir à travailler.

J’ai besoin de conseils afin d’aider une de mes élèves. C’est précisément sur l’indication de Jean-Gabriel Wlock que je suis venue sur le site HomoEdu. J’ai découvert Gay Graffiti un peu par hasard, pas tout à fait cependant, car je cherchais des textes de loi relatifs à l’homophobie. Je me suis en fait arrêté sur son coming-out, son histoire m’a beaucoup touchée et je suis entrée en contact avec lui. Le milieu homosexuel ne m’est pas étranger, j’ai en effet plusieurs amis gays que j’adore. Ils m’ont fait découvrir un monde plein d’amour et de tendresse, mais aussi de souffrance et d’isolement. Étant une grande naïve, je ne suis pas certaine que j’étais vraiment consciente de l’homophobie ambiante. J’avais bien à diverses reprises « remis en place » certains élèves qui se permettaient des remarques déplacées (homophobes ou sexistes), mais mes amis m’ont ouvert les yeux. Pour en revenir à ce qui a motivé ce mail, il faut que j’expose la situation. J’ai découvert il y a peu de temps qu’une de mes élèves de 3e est harcelée depuis que son homosexualité a été découverte. Apparemment, cette situation dure depuis novembre. Cette jeune fille n’a rien voulu dire et a donc tout gardé pour elle... jusqu’au jour où elle a « pété les plombs », a tapé dans un mur et s’est cassé le bras. C’est cet incident qui nous a permis de connaître sa situation. Je n’ai pas à ma connaissance tous les éléments : je ne sais pas qui la harcèle, ni de quelle façon (si c’est au collège, chez elle...). Je m’inquiète beaucoup pour elle car avant les vacances, elle n’allait pas bien du tout. Elle était triste, renfermée. J’ai essayé de discuter avec elle, avec le plus de tact possible. C’est là qu’elle a compris que nous sommes quelques-uns à être au courant de ce qu’elle endure. Elle a été un peu surprise, et je la comprends, de voir sa vie privée étalée, non pas au grand jour, mais un peu malgré tout ! J’ai essayé de l’inciter à en parler : soit à moi, soit à la vie scolaire, soit à son prof principal (qui est une amie et dont je connais les qualités humaines !). Je lui ai expliqué que c’est grave, mais qu’on est là pour l’aider. Mais je ne sais pas si elle a été très réceptive. Je verrai comment elle va à la rentrée. En attendant, j’ai besoin de conseils. Comment faire pour l’aider ? Je sais que le suicide est la 1ère cause de mortalité chez les jeunes homos, autant dire que cela ne me rassure pas. À qui pourrait-elle s’adresser si elle ne veut pas se tourner vers nous ? Que pouvons-nous faire en tant que profs ? Merci de me donner des pistes. Bravo aussi pour le site ! Il est super bien fait, très clair et beaucoup de profs devraient venir le visiter. Je trouve le milieu éducatif bien intolérant à tous niveaux, et cela me désole.

Réponse de HomoEdu

 Pour vous aider, en m’appuyant sur mes expériences, je crois important que la parole de réconfort soit donnée par un enseignant, pendant un cours, en tant non que morale mais que contenu disciplinaire. Je crois d’autre part que vous ne devriez pas attendre la rentrée, à voir avec vos collègues.

 Quelques pistes.
 Parler des ouvrages que nous défendons aux documentalistes, et faire en sorte qu’ils soient visibles, notamment les documentaires. Les présenter personnellement discrètement à l’élève pour parer au plus pressé, mais faire en sorte que l’an prochain les profs de français ou docs les incluent dans des listes de lectures conseillées, et en présentent en cours de façon explicite. Pourquoi ne pas profiter de l’occasion pour créer une dynamique dans cet établissement ? Nous menons une « gayrilla », et il suffit que dans chaque établissement un prof ait le courage, une fois, de taper du poing sur la table pour au moins inverser la tendance. En collège, évoquez le cas avec l’infirmière, de façon qu’elle n’attende pas que les élèves posent une question, mais traite systématiquement l’homosexualité lors des séances d’éducation à la sexualité, en lui montrant bien que le silence peut aboutir à un problème médical ! Demander, comme la Circulaire du 17/2/2003 le propose, que des numéros d’associations soient affichés.
 Proposer de recevoir l’an prochain un auteur de notre Sélection de livres pour les jeunes, pour évoquer la question.
 Faire intervenir une association locale dans cette classe sur le thème de l’homophobie.
 Projeter un film suivi d’un débat (Ça peut être l’occasion en fin d’année, même si ce n’est pas très réglementaire (problèmes de droits)).
 Faire intervenir le CPE et rappeler les lois existantes. Il me semble qu’en cas de harcèlement cela s’impose, et le contraire serait « non assistance ». Il faut aussi le dire à la victime, car à cet âge, peut-être ne sait-elle pas que la loi la protège, en tout cas le simple fait de savoir que les adultes de l’établissement et la loi sont de son côté la soulagera forcément, mais il faut le lui dire clairement, comme vous avez commencé à le faire.
 Pour la victime, n’y a-t-il pas non plus un psychologue scolaire ? J’emploie le mot victime ici, mais il vaut mieux éviter de tomber dans la victimisation, au contraire il faut l’encourager à se défendre intelligemment, ce qu’expliquent les documentaires existants.
 De manière plus personnelle, échanger un livre avec cette élève, que vous avez lu et que vous lui conseillez. Je l’ai fait récemment avec une élève dans le même cas, et cela a été très important pour elle. J’avais choisi Le Bâillon de Corinne Gendraud. Etc.

Lionel L.

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